Monstre sacré du football français pour les uns, homme d'affaires véreux pour les autres, inconnu notoire pour la plupart des représentantes de la gente féminine (la jante féminine, elle, préfère le vélo, tout le monde le sait), Claude Bez voit le jour en 1940 dans cette belle région bordelaise aux pentes douces parsemées de ceps de vignes et des cadavres de juifs errants aux doigts crochus laissés dans son sillage par le préfet Papon, et ron et ron petit patapon.
C'est décidé, comme son illustre aîné, Claude Bez aura la culture des chiffres et de la rentabilité, je pose un train, je soustrait trois wagons, je multiplie par cent miliciens et le tour est joué. Il devient expert-comptable et dirigera jusqu'à la fin des années 80 un des plus gros cabinet de la région. Et puis, voilà la crise de la quarantaine qui pointe le bout de son nez malicieux, Claude vieillit, sa femme ne va pas tarder à être ménopausée, Claude ne bez plus tant que ça et se lance dans un nouveau challenge : redresser le club de football des Girondins de Bordeaux, qui en 1978 viennent d'échapper de justesse à la relégation.
Comment monter une grande équipe à Bordeaux? Claude Bez pose un et retient trois, embauche Aimé Jacquet comme entraîneur parce que ça ne coûte pas plus cher de bien manger tant que le pinard est de qualité, et fait signer toute une tripottée de joueurs en fin de contrat qui ne coûtent pas cher et rapporteront gros : sous l'impulsion d'Alain Giresse, son petit protégé, les Marines et Blancs se construisent un fabuleux palmarès ponctués de trois titres de champions de France et de deux demi-finales de coupe européenne.
Claude Bez est pour beaucoup dans cette suprématie girondine des années 80 : réputé dur en affaires et rugueux sur l'homme, c'est lui aussi qui va inventer le concept des droits télés payés désormais par les chaînes pour diffuser les images du championnant. Un tour de force dont sera toujours jaloux son grand rival de l'époque, Bernard Tapie, alors président de l'Olympique de Marseille, et qui marque le début d'un affrontement interminable entre les deux hommes, ponctués de coups d'éclats mémorables : tout le monde se souvient, en 1989, de Claude Bez rentrant dans le stade Vélodrome au volant d'une Cadillac blindée et immatriculée "33".
Au match retour, rebelotte : dans le vestiaires des arbitres de ce fameux Marseille-Bordeaux, Bernard tapine pendant que Claude Bez (sa femme). Ils l'auront, leur fameux combat de titans, ponctué par une dizaine d'agressions caractérisées du girondin Gernot Rohr sur le "traître" Giresse, passé à l'ennemi marseillais en début de saison. Les deux présidents s'invectivent par presse interposée après le match, Tapie accuse Bez de magouille avec le FISC, Bez accuse Tapie de tricherie et de tentatives de corruption, tout le monde se marre. Quelques années plus tard, Tapie tombait pour corruption après le fameux Valenciennes-OM, tandis que Claude Bez plongeait pour escroquerie et usage de faux dans l'affaire du Haillan. Match nul, la balle au centre. Mais Claude Bez n'aura pas le temps de mettre un second de but dans les arrêts de jeu : l'arbitre siffle la fin de la partie pour lui le 26 janvier 1999, arrêt cardiaque, quelques mois avant que les Girondins ne remportent leur premier titre de champion depuis 10 ans au dépens de... Marseille. Là-haut, dans le ciel, on en connait un qui rigole en lissant du doigt sa légendaire moustache. Et pendant qu'un ange passe, Claude Bez. Toujours.
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