dimanche 7 février 2010

Dictionnaire impromptu : Bon Scott

Né par un beau matin de juillet 1946 dans la petite cité écossaise de Kirriemuir, charmante bourgade du nord du pays dont la spécialité s’avère étrangement être une sorte de cocktail de vin blanc additionné de fruits des bois, Ronald Belfort Scott déménage très jeune avec ses parents à Fremantle, dans le Sud Ouest de l’Australie. C’est la première fois que le jeune Ronald se retrouve la tête à l’envers, et c’est bien là une mauvaise habitude dont il ne se séparera jamais réellement.

Très jeune, Ronald est surnommé « Bon » par ses petits camarades, non pas qu’il soit doté d’un extraordinaire esprit de générosité, mais bel et bien comme diminutif de « Bones », les os, pour ceux qui ne maîtrisent pas totalement la langue de Peter Shilton. Ses collègues se moquant sans cesse de son étrange accent écossais, Bon Scott se battait régulièrement dans la cour de l’école et y avait acquis la réputation d’un dur à cuire, dur comme un os, en fait. De fait, il quitte l’école à quinze ans, devient garagiste, électricien, postier, barman et conducteur de bus, fait un peu de taule pour avoir siphonné de l’essence, tente de s’engager dans l’armée australienne mais se fait virer rapidement lorsque les gradés s’aperçoivent que c’est lui qui est complètement siphonné.

En 1964, lassé d’accumuler les petits boulots, Bon Scott tente sa chance comme batteur de rock et fonde The Spektors, qui fusionne rapidement avec un autre groupe local pour donner The Valentines, combo rock’n’roll dont le fait de gloire aura été la première partie à Perth de The Easybeats, dont le guitariste n’est autre que... George Young, le grand frère d’Angus et Malcom. The Valentines se séparent en 1970 et Bon Scott rejoint le groupe de rock progressif Fraternity, fait la première partie de Status Quo et sort deux albums que l’on espère ne jamais avoir à réécouter un jour, deux opus dont se servent désormais les mecs de Guantanamo pour faire avouer les méchants terroristes. Heureusement, Bon Scott est victime en 1973 d’un terrible accident de moto qui le plonge dans le coma pendant trois jours, pile le temps qu’il faut à Fraternity pour se trouver un autre batteur. So much for the rock.

Nous sommes en 1974, Bon Scott vient d’épouser Irène Thomas, très bonne elle aussi, et travaille comme conducteur de bus à Adélaïde lorsqu’il rencontre par hasard les deux frangins les plus célèbres de l’histoire du rock, Angus et Malcom Young. Ni une ni deux, il commence à conduire le minibus d’Ac/Dc puis remplace le chanteur Dave Evans quelques mois plus tard, juste avant qu’Ac/Dc ne sorte en 1975 le très électrique « High Voltage ». Avec son timbre inimitable et son accent scottish, Bon Scott apporte à Ac/Dc le soupçon de folie qui manquait encore au groupe pour décoller, et Let There Be Rock puis Powerage finissent d’installer les australiens comme un des groupes majeurs de l’histoire du rock, avant qu’Highway To Hell n’arrache tout sur son passage en 1979. C’est bon, bon, c’est bon pour le moral.

Bon Scott n’aura pas tellement le tant de profiter de ce succès tout neuf : le 19 février 1980, après une soirée très arrosée dans un club londonien, il est raccompagné chez lui dans sa Renault 5 par un certain Alistair Kinnear, qui n’arrivant pas à le réveiller le laisse pioncer dans sa caisse avec une couverture. Le lendemain, le trouvant encore endormi, il s’inquiète enfin et l’emmène à l’hosto, où son décès est constaté quelques minutes plus tard. Putain de voiture. La mort de Bon Scott est encore aujourd’hui entouré d’un certain mystère, on parle en vrac d’émissions de gaz d’échappements, d’hypothermie fatale, de surdose d’héroïne et, plus vraisemblablement, de mort par étouffement dans son propre vomi. Toujours est-il que le corps de Bon Scott est rapatrié illico à Fremantle, où une statue est érigée à son effigie et où sa sépulture devient rapidement la tombe la plus visitée d’Australie, devenant même en 1998 un monument du patrimoine national australien. On est bon ?

La véritable histoire vraie de Juliette Montaigu (2)

Et ça avait l’air d’être un bon jour, ce serait une journée parfaite, et ça l’embêtait presque de devoir castrer ses pulsions créatrices, mais la jolie chaise en rotin qu’elle avait repéré devant le bar de la Flèche la semaine dernière ne l’attendrait certainement pas une demi-heure de plus, alors, petite robe d’été, légère, sandalettes enfilées, légères, une touche de maquillage, légère, l’escalier avalé à la volée, en riant, main dans la main, la petite brise qui leur faisait la bise sur le chemin, légère, le parfum entêtant de souk dont on s’emplissait déjà les poumons à cinquante mètres de là, le stand de vinyles d’occasion qui fleurait bon le retour du psychédélisme, les vieux bouquins aux tranches cornées qui n’attendaient que leurs mains délicates pour vivre une nouvelle vie, les cris des forains et le bruissement des badauds, la chaise en rotin qui patientait sagement dans un coin et sur laquelle Juliette s’assit avec bonheur pour prendre leur petit café habituel au Bar Tabac, deux euros mademoiselle, merci bien, quatre-vingt centimes la baguette et sept euros quarante-neuf de légumes qu’ils préparent en salade, côte à côte, revenus dans sa petite kitchenette qui s’emplit peu à peu de l’odeur aigre-douce d’une vinaigrette maison, mon dieu, qu’Il prépare bien la vinaigrette, et Dieu seul sait que ce n’est pas le dernier de ses talents, Il pourrait peut-être lui montrer encore son tour de passe-passe favori après le repas, celui où Il parvient à la faire jouir en effleurant à peine son corps tremblotant avec ses mains d’esthète, mais non, le voilà qui s’empare à nouveau de son stylo en piteux état pour couvrir de signes cabalistiques des pages entières d’un petit carnet déniché sous le lit, et Juliette le regarde avec une drôle de mimique amusée, la tête penchée sur le côté, elle va lui laisser un peu de répit, tout de même, et c’est lui qui vient lui mordiller l’oreille par surprise quelques minutes plus tard, alors qu’elle tente de mettre une touche finale à son dernier tableau dont il admire la composition et les couleurs vivaces, Il a toujours aimé ce qu’elle faisait, lui, et Il s’intéresse à autres choses qu’à des colonnes de chiffres d’une rare vulgarité, Il est là, tout près, visiblement bouleversé par la ressemblance de l’autoportrait et la position suggestive de la jeune femme du tableau et la position alanguie de la jeune femme qui peint le tableau, à qui Il ferait bien prendre tout un tas d’autres positions, et il a glissé sur la platine un disque de blues qu’Il vient d’acheter, et elle lui extorque un dernier orgasme en échange de l’écoute attentive de son dernier paragraphe, haletante, le souffle court, aussi troublée par la virtuosité de son écriture que l’obsédante précision de ses caresses, bingo, banco, elle est gagnante sur les deux tableaux et se met à penser qu’elle a vraiment beaucoup de chance de pouvoir vivre une journée aussi parfaite, alors que le clocher de Saint Michel retentit à nouveau, non loin de là, par-dessus les tuiles d’ardoises du quartier populaire, plus sombre, touffu et menaçant que jamais.

Juliette Montaigu se redresse sur un coude, caresse distraitement la tignasse en broussaille de son amant assoupi, approche ses lèvres de son oreille et lui murmure avec toute la douceur dont elle se sent capable malgré l’urgence de la situation :
« Il est cinq heures, mon chéri. Tu ferais mieux d’y aller, mon mari ne va plus tarder ».

C’était vraiment une journée parfaite.