Né en 1962 à Orange, charmante cité du sud où il ne fait pas bon être noir, juif, homosexuel ou nain (et encore moins les quatre à la fois), Michel Petrucciani aurait pu vivre une enfance tout à fait normal dans un patelin tout ce qui a de plus normal (caillassage de négros, profanation de cimetières juifs, une petite ratonnade pour finir la journée) si seulement il n'avait pas eu la bonne idée d'être atteint à la naissance de la fameuse osteogenesis imperfecta, plus connue sous le nom de maladie des os de verre, à ne pas confondre avec la maladie des verres d'eau qui elle aussi toucha bien des grands de ce monde, de Boris Elstine à Gérard Depardieu.
A l'âge de 4 ans, Michel Petrucciani apperçoit Duke Ellington à la télévision, et dit à son papa Antoine, guitariste de jazz réputé, "c'est ça que je veux faire plus tard". A l'âge de 6 ans, il tombe par hasard sur une émission avec Woody Allen et Mimi Mathy, et dit à sa mère Raymonde, cuisinière hors-pair, "c'est à eux que je veux ressembler plus tard". Pari réussi sur toute la ligne, bingo banco : puisque ce fainéant ne prend pas le temps d'aller taper dans un ballon de foot avec ses copains le mercredi après-midi (et accessoirement de se casser un ou deux os dans la foulée, qu'il avait courte), il se passionne pour la pratique du piano jazz, dont il maîtrise les moindres subtilités à l'âge de 12 ans.
A 13 ans, Petrucciani fait la rencontre de celui qui deviendra son meilleur ami (et sans doute un acteur porno de premier rang, avec un nom pareil), Aldo Romano, grâce à qui il enregistrera quelques années plus tard son premier album, "Flash", "Flash", comme le super héros de son enfance avec qui il partage déjà tant de choses, dont une évidente proportion à l'éjaculation précoce dans les draps satinés de sa nouvelle maison de Montélimar, pourquoi Montélimar, va savoir, sans doute parce que Petrucciani nougate déjà.
"Flash" sort donc en 1980. Il aurait pu l'appeler "Eclair" ou "Comme un Ouragan", mais c'était déjà pris. 1981, Michel Petrucciani part aux chtates pour y développer son art, à défaut d'autre chose. Il y rencontre le grand saxophoniste Charles Lloyd, avec qui il sortira trois albums. Il devient ainsi en 1985 le premier français à signer sur le fameux label américain Blue Note ("la note bleue", pour les turcs qui nous écoutent), et joue avec les plus grands, sans mauvais jeu de mots : Gary Peacock, Gerry Mulligan, Dizzie Gillespie ou encore Stéphane Grapelli, géant du violon avec qui le génial nabot sort en 1995 le célèbre "Flamingo", vendu à plus de 100.000 exemplaires. Michel Petrucciani s'y présente à l'apogée de son immense talent, grand défenseur d'un jazz populaire et jamais populiste, nourri de multiples sonorités qui font de lui le fils illégitime de Louis Armstrong et d'Yvette Horner, mais si Louis Armstrong et Yvette Horner avaient eu un enfant ensemble, on ose espérer que le bambin ait eu la correction de se pendre à la naissance avec son cordon ombilical.
Michel Petrucciani, lui, ne peut pas se suicider. Il est catholique, et on ne verra jamais un catholique se suicider, sauf s'il est très malheureux et qu'il a envie de mourir. Michel Petrucciani n'aura même pas le temps de penser au suicide : la maladie l'emporte jeune, en 1999, et Super Nabot est enterré au Père Lachaise, à quelques mètres de Frédéric Chopin, de Pierre Desproges et de la Fille Tabouret. Mais je dis ça, c'est pour meubler.
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