Aujourd’hui, mesdemoiselles, mesdames, messieurs, trans-genres, trans-genres, et surtout toi, oui, toi, le jeune pour qui la vie n’est pas un long fleuve tranquille mais plutôt une descente en rafting des chutes du Niagara avec Mimi Mathy au fond du kayak, un saut en parachute sans parachute, une suite d’événements sans queue ni tête où tu surnages la bouche ouverte comme une carpe au fond de l’eau, oui, toi le jeune, j’aimerais te parler d’Orientation. Mais pas de n’importe laquelle, n’est-ce pas, et surtout pas de celle qui t’a permis de te diriger à l’oreille dans la forêt de Fontainebleau pour échapper au goupillon de monsieur le curé qui tenait à t’expliquer plus profondément encore le concept de trinité, au nom du père, du fils et du sexe buccal. Non, l’autre Orientation, celle avec un grand O comme dans Oral et Oh hisse enculé ; la grande Orientation, l’Orientation Professionnelle, deux mots qui sonnent le glas de tes ambitions éphémères d’une vie pépère à ne rien glander devant ta Playstation.
Bref. L’Orientation. Commençons, si vous le voulez bien (et en même temps, votre avis je m’en fous, c’est purement rhétorique comme question), par une définition au cordeau. Le mot Orientation vient du latin Orienta, qui signifie approximativement « être à l’Ouest » ou « se retrouver à l’Ouest » selon les différentes lectures des œuvres intégrales de Sénèque (ta mère), et de l’inuit « Tation », qui signifie globalement « fais gaffe », et plus littéralement, si l’on en croit la tradition des anciens qui passent le temps en chassant l’ours blanc armé d’un simple canif, « fais gaffe, y’a un trou dans la glace juste derrière l’igloo, c’est encore Anorak qui a fait des siennes ». Bien, l’Orientation, avec un grand O comme dans Ornithorynque et Oh Pute Borgne, ce serait donc une certaine façon de faire gaffe à ne pas se retrouver complètement paumé, et jusqu’à là, ça se tient, vous en conviendrez.
Si l’on en croit le Petit Robert, qui lui n’a pas oublié d’être con, l’Orientation pourrait être également un terme de marine qui désigne la disposition idéale des vergues pour recevoir le vent, et non, il n’y a pas de faute de frappe, et oui, c’est totalement dégueulasse, avec ou sans curé sur le bateau. Plus prosaïquement (un mot que nous verrons plus tard, je ne vous sens pas encore prêt pour les cinq syllabes), l’Orientation est aussi selon le dictionnaire, ouvrez les guillemets et fermez vos gueules, « la voie choisie par quelqu’un, en particulier dans le cadre des études, comme par exemple dans l’expression « quelle orientation avez-vous choisie pour votre fils » », fermez les double-guillemets et ouvrez la boîte à connerie. Sérieusement, quelle orientation avez-vous choisie pour votre fils ? Je ne sais pas moi, maquereau, rock-star transsexuel, contrôleur des impôts, chômeur ?
Mais revenons à la base, comme le dit si bien Hannibal dans le Lotus Bleu, l’Orientation consiste donc à trouver sa voie, comme le dit si bien le chinois fou à Tintin dans le dernier épisode de l’Agence Tout Risques. Vu d’ici, ça a l’air plutôt simple, cette histoire. Si notre chemin dans la vie n’est pas tout tracé, il faut tout de même être aveugle pour passer à côté des ornières laissées par nos parents. On n’est bien sûr jamais à l’abri d’une sortie de route intempestive, un accident est si vite arrivé ! On pensait prendre l’autoroute de la simplicité, ne pas dévier d’un pouce, suivre sans défaillir les gros panneaux luminescents qui jalonnent notre passage, les fils de profs sur la file de droite, les fils de notaires sur la file de gauche, et on se heure déjà à un gros souci de déontologie politico-déviationniste. Et là, bim, l’imprévu qui défonce la porte passager sans crier gare, un pneu qui éclate, pas de dépanneuse disponible avant la fin du monde, et on se retrouve à errer sur une route de campagne à scruter le paysage désertique pour tenter de repérer un putain de panneau de signalisation qui nous permettrait de savoir enfin où l’on va vraiment et ce que l’on fait. Vu comme ça, l’Orientation Professionnelle, ça ressemble à un week-end pourri en Corrèze. Mais enfin, voilà, c’est bien ça qui est important, où est-ce que l’on va, et qu’est-ce que l’on fait ? Et surtout, qu’est-ce que l’on va bien pouvoir répondre aux gens qui nous posent cette question fatidique avant de savoir notre prénom, parce que mon petit gars, c’est très bien de te voir assis là, ta bière à la main et ton désespoir sur les épaules, mais en vrai, tu fais quoi dans la vie, à part traîner dans les bars en crânant ton infortune ?
Comme j’ai réponse à tout, et que c’est pour ça que je suis là (le fait d’être un écrivain raté qui camoufle sa médiocrité intellectuelle derrière une pile de bons mots ne rentre absolument pas en ligne de compte), je vais tout vous expliquer. Le tout, c’est de savoir où l’on va, et tant qu’à faire, de viser loin pour arriver finalement quelque part. Un peu comme un pêcheur qui balance ses filets le plus loin possible en espérant ramener deux ou trois poissons sur un coup de bol, ou un mec qui va draguer simultanément quatre nanas dans la même soirée en espérant que l’une d’entre elle se fatiguera avant lui. En général, et surtout pour ce dernier exemple, ça fonctionne aussi bien qu’un préavis de grève de l’Education Nationale. Mais ça vaut toujours le coup d’être tenté, ne serait-ce que pour faire rire ses copains.
Prenez moi, par exemple. J’ai toujours visé haut. Aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours voulu être Inventeur, avec un grand I comme dans Imagination. En ajoutant à ça mon amour inconsidéré pour la verticalité et la beauté froide des montagnes, je me suis ensuite demandé si je pouvais mener carrément une carrière d'alpiniste-savant fou, avant de me rendre compte que c'était tout de même assez difficile de se concentrer à 7.000 mètres d'altitude avec un sherpa qui s'amusait à dresser le Yéti à l'aide de fraises Tagada. J’ai laissé tomber mes plans de domination du monde à peu près à cet instant-là, et j'ai voulu ensuite devenir chirurgien-acrobate. Ma mère m'en a dissuadé, vous savez comme sont les mères, toujours inquiètes pour leur progéniture et incapables de concevoir que l’on puisse donner des coups de scalpel sur un vélo à une roue pendant que d’autres ne se gênent pas pour diriger des pays avec un neurone pour quatre ministres. Quant à mes études de clown-pâtissier, elles n'ont pas donné grand chose non plus, sans doute à cause de mon allergie soudaine à la farine... je ne sais pas si vous avez déjà essayé d'éternuer avec un nez rouge, mais ce n'est pas facile. Ce n’est qu’après ces nombreux échecs, encore bien ridicules à côté des come-back ratés de Chantal Goya, que je me suis décidé à emprunter la voie ultime : un jour, quand je serais grand, je serais testeur de bières-écrivain à succès. Et croyez-le ou non, mais je m’y connais pas mal en Guiness.
nous l'attendions depuis si longtemps qu'il faut du temps à nos yeux pour se réhabituer à cette lecture. mon côté cathos-coincée m'oblige cependant à crier "oh oh" à ma lecture de cette scène qui soyons franc n'apporte rien à part un peu de vulgarité dont le texte se passerai sans difficultés. mais l'expression "crâner son infortune" fais vite oublier cette malencontreuse blague. en un mot j'adore! et nathanael joe hunt je vous kiffe.
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