dimanche 23 août 2009

La véritable histoire vraie de Freddy Siroco (4)

En proie à une grande agitation, Tacata Bash se leva brusquement, saisit Freddy Siroco par le bras et, plaçant son index sur sa bouche pour lui intimer le silence, lui indiqua d’un geste de la tête la petite porte dérobée qui menait aux cuisines du château.

Avec un peu de chance, ils seraient tous deux assez loin avant que Penthésilée et ses comparses n’arrivent jusqu’ici. Ils pourraient se glisser jusqu’à la côte, emprunter un des bateaux de sa mère qui somnolait dans les grands hangars, et gagner en quelques jours un endroit où ils seraient tous deux en sécurité. Les contreforts sauvages des montagnes de Gaïa leur fourniraient certainement un abri plus que confortable, et Tacata se rappelait d’une ou deux maisons de bergers où ils pourraient s’installer sans que personne ne se doute de leur existence. Ils se nourriraient de lait de chèvres et de légumes du jardin, et Tacata voyait déjà les enfants rieurs qui écraseraient de leurs pieds juvéniles les rangs de laitue que Freddy aurait plantés. Le craquement sourd de la grande porte qui s’effondrait sous les coups de boutoirs des manifestantes acheva de la ramener à la réalité. Elle se saisit de son manteau sur le dossier de sa chaise, attrapa l’homme de sa vie par l’autre main et s’engouffra rapidement dans le petit escalier sombre qui les menait tous deux vers un autre univers.

Le soleil commençait déjà à disparaître derrière le plus haut pic des montagnes de Gaïa lorsque la silhouette volontaire de Claire Saint Laure se découpa à l’horizon. Tacata Bash replia soigneusement la serviette qu’elle avait à la main et sortit sur le perron de la maisonnée pour accueillir comme il se devait celle qui lui avait sauvé la vie tant de fois. Elle semblait avoir pris dix ans d’un coup, alors qu’il ne s’était écoulé que quelques mois depuis qu’elle avait tenu tête, seule, à dix mercenaires armées jusqu’aux dents pour protéger la fuite de sa maîtresse. Penthésilée avait pris le pouvoir au terme d’un coup d’état sanglant, et Claire Saint Laure n’avait du son salut qu’à la bonté d’une jeune palefrenière qui l’avait recueillie dans une fosse où elle avait été laissée pour morte. Lorsqu’elle avait réussi à quitter le royaume, celui-ci était presque en ruine, mis à feu et à sang par une bande d’amazones écervelées qui ne savaient plus trop bien quoi faire pour sauver le peuple de sa fin proche. Claire Saint Laure but une large goulée du lait de chèvre que lui avait offert son hôte, et lui adressa un regard interrogateur rempli d’admiration et d’espoir auquel elle répondit par un sourire énigmatique. Par-dessus son épaule, Claire Saint Laure pouvait apercevoir Freddy Siroco qui revenait des champs, sa faux sur l’épaule, et lui adressait un signe de main amical. Il était là. L’Homme. Tacata Bash se retourna et admira la démarche souple de son compagnon qui revenait vers elle de son pas assuré, fort, vigoureux, empli de vie. Il était là. Freddy Siroco était là. Freddy Siroco était beau, Freddy Siroco était drôle, intelligent, attentionné, Freddy Siroco était son homme, et surtout, Freddy Siroco était le dernier homme vivant à la surface de la planète. Mais il fallait bien qu’elle se rende à l’évidence, après toutes ces années à partager sa couche. Freddy Siroco était parfait, mais Freddy Siroco était stérile.


(FIN)

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