dimanche 20 décembre 2009

Dictionnaire impromptu : Sergio Leone

Sergio Leone

Fils de Vincenzo Leone, pionnier du cinéma italien plus connu sous le nom de Roberto Roberti, et de Edwige Valcarenghi, actrice italienne plus connue sous le nom de Pamela La Cochonne, Sergio Leone nait le 3 janvier 2009 à Rome, petite ville de la péninsule coincée entre Fuimicino et Capena. Rome ne s’est pas faite en un jour et les chiens ne font pas des chats. Le petit Sergio fera donc du cinéma, et après des études bâclées, il devient assistant réalisateur sur ces films italiens des années 50 qui font l’admiration de tous et qui connaissent toujours un immense succès auprès de la clientèle du Fucking Blue Boy (superbe soirée fist-fucking à volonté la semaine prochaine, à ne pas manquer), les péplums.

C’est donc entouré d’hommes en jupettes courtes et au corps musculeux savamment huilé que Sergio Leone commence tout naturellement sa carrière de réalisateur en achevant d’abord « Les Derniers Jours de Pompéi », qui n’avait certainement pas mérité ça. Il enchaîne en tournant en 1961 « Le Colosse de Rhodes », à ne pas confondre avec le colosse du Road 66, célèbre videur d’une boîte gay des quais bordelais où s’encanaille la bourgeoisie bordelaise, mais nous ne citerons pas de nom pour ne pas faire de tort à Hughes Martin.

Après ces quelques errances et autres erreurs de jeunesse, Sergio Leone vire sa cuti et participe activement au développement de ce que l’on appela le western spaghetti, délaissant les tapettes en jupettes pour les cow-boys sévèrement burinés et solidement burnés. « Pour une poignée de dollars », « Et pour quelques dollars de plus » et « Le Bon, la Brute et le Truand », tournés entre 1964 et 1966, formeront ce que l’on appelle aujourd’hui « la trilogie de l'homme sans nom ». Trois westerns impitoyables où le drolatique Clint Eastwood promène son personnage dans un univers cynique et percutant. Sergio Leone invente coup sur coup les travellings arrières, l’alternance de gros plans extrêmes et de larges vues d’ensembles, et le travelling avant sur le gros cul d’une stagiaire post-production en alternance soudainement propulsée dans un plan à trois plutôt extrême avec le colosse de Rhodes.

En 1969, Sergio Leone sort de la stagiaire et arrête les spaghettis pour se lancer dans une autre trilogie mythique, dite « trilogie de l’histoire de l’Amérique ». « Il était une fois dans l’Ouest », « Il était une fois la révolution » et « Il était une fois en Amérique », terminé en 1984: en trois films, Sergio traverse 50 ans d’histoire américaine, prouve qu’il est un des plus grands réalisateurs de l’histoire et ferait presque oublier qu’il a aussi commis coup sur coup « Mon nom est personne » en 1973, et « Un génie, deux associés et une cloche » avec Terence Benny Hill en 1975. En 1989, Sergio Leone succombe à une crise cardiaque, un génie meurt, les deux associés et la cloche se portent très bien, merci.

La véritable histoire vraie de Noe Darwin (2)


Lui seul avait compris que la nature était sur le point de se rebeller comme jamais elle ne l’avait fait auparavant. Lui seul avait deviné que la théorie de l’évolution devait trouver là son achèvement ultime, et que ce qui allait suivre serait bien pire que tous les typhons et tous les tsunamis réunis.

Un phénomène magnétique et énergétique d’une telle ampleur que tout ce qui demeurait à la surface de la planète se consumerait instantanément, comme brûlé d’un feu intérieur dont la puissance ne pouvait pas même être mesuré par les instruments de pointe dont disposaient les scientifiques de la NASA. Ceux-là même qui lui avaient ri au nez et dont les cadavres accumulés à la surface n’avaient pas même pu pourrir en paix si, comme il l’avait prévue, la déflagration avait été logiquement suivie d’un refroidissement brutal des températures qui ne devaient désormais pas dépasser les – 121° à la surface du globe. Il le sentait jusqu’au coeur de son habitacle surchauffé, ce froid perçant qui tentait de s’insinuer par tous les pores de son corps fatigué par des années d’insomnies et de privations.

Un meuglement perçant déchira soudain l’atmosphère silencieuse du poste de pilotage, et Noé Darwin jeta un coup d’oeil en souriant à sa montre à gousset qu’il tenait si souvent serré contre son coeur, comme si le temps restait désormais son bien le plus précieux et que tout irait bien tant qu’il saurait exactement quelle heure il était. Le 23 juin 2024, 8h37, pile poil. La Jeannine était décidément réglée comme une horloge suisse, plus précise encore que cette montre antique au mécanisme démesurément simple dont Noé n’avait décidément jamais regretté l’achat dans une vieille brocante de Central Park. Chaque matin, à la minute près, cette bonne vieille vache normande réveillait ses congénères avec la même note grave maintenue quelques secondes dans les airs, puis se rendormait quelques secondes en renâclant, le temps que son maître daigne descendre les écoutilles en pestant nonchalamment pour lui apporter leur pitance quotidienne. Soudain ragaillardi par cette sonorité familière, Noé Darwin s’étira quelques instants en baillant, se saisit de la torche glissée dans une encoche sur le mur et se dirigea d’un pas lourd vers le sas qui le menait vers les étages inférieurs du sous-marin. Ce n’était pas un vrai sous-marin à proprement parler, plutôt une vieille capsule de secours en mer sur trois étages, plutôt spacieuse dans le genre, qu’il avait acheté pour trois fois rien dans un surplus de l’armée russe grâce à l’argent de son héritage dont il avait ensuite entièrement dilapidé les dividendes pour aménager son cocon de survie comme il l’entendait. Enjambant la coursive qui le conduisait de sa salle de bain à la cuisine, il exécuta machinalement ces gestes du quotidien qu’il répétait chaque matin depuis bientôt treize longues années, se concentrant sur la façon la plus rationnelle de gagner quelques dixièmes de seconde chaque jour pour ne pas sombrer dans la folie. Sa toilette achevée dans un temps record, il passa dans la pièce suivante, ouvrit un placard et déposa sur la table le repas frugal qu’il avait concocté pour lui-même et ses pensionnaires. Encore des patates, mais il ne se plaignait pas, il adorait ça et les animaux aussi. De toute façon, son potager miniature ne lui fournissait pas suffisamment de nourriture pour faire son difficile, et il se félicitait d’avoir fait assez de provisions de conserves et de pomme de terre pour survivre tant d’années en solitaire. Bientôt, cela ne suffirait plus, il ne le savait que trop bien, et il lui faudrait alors penser à ce qui suivrait. Il soupira longuement. Pour l’heure, il ne voulait même pas laisser son esprit divaguer de la sorte sur l’avenir sombre qui l’attendrait lorsque ses animaux et ses cultures ne lui assurerait plus les ressources nécessaires pour demeurer ici en sécurité.

(à suivre)

dimanche 13 décembre 2009

Dictionnaire impromptu : Khomeini

Né en 1902 dans une famille chiite très croyante de Khomein, à 300 kilomètres de Téhéran, le petit Rouhollah Moussavi voit très jeune son père assassiné par les hommes de main du seigneur du coin. Vêtu de son turban noir indiquant qu’il est un descendant direct du prophète Mahomet en passant par l’imâm Musa al-Kazim (pour aller dans le centre de Téhéran, passez plutôt par les boulevards, y’a moins de bouchons), il s’installe en 1920 à Qom, deuxième ville sainte du pays.

Déjà rebelle, le petit Rouhollah suit des cours de philosophie (ce qui est contraire à la tradition coranique, sa mère le sait) et enfreint les règles en matière d’habillement. Ca ne l’empêche pas d’être nommé professeur de théologie en 1927 puis de devenir en 1950 ayatollah, un des grades religieux les plus élevés chez les Chiites, juste avant maître du monde. Il s’engage alors en politique et s’oppose au shah d’Iran, qui veut attribuer moins de pouvoir à la charia coranique et donner le droit de vote aux femmes, entre autres futilités baroques.

Les shahs, c’est tous des branleurs, se dit Khomeini 40 ans avant les Nuls. En 1963, l’ayatollah participe activement aux émeutes de juin et durcit sa position. Aie aie aie, dit l’ayatollette. Le shah sort ses griffes, le condamne à mort puis le fait gracier. Le shah est faible, Khomeini sourit et s’exile en Turquie puis en Irak, où son discours se radicalise progressivement. Mais très vite, les Irakiens ne fument plus de chiite, et en 1978 Khomeini doit partir en France avec un visa touriste. Il en profite pour aller voir la Tour Eiffel, puis rentre au pays en 1979 et prend le pouvoir à la faveur de la Révolution Iranienne. S’ensuivent comme de bien entendus quelques joyeuses régressions des Droits de l’Homme : tortures, meurtres, enlèvements et prise d’otage de 52 citoyens américains qui se finit par une opération commando catastrophique, mais Chuck Norris n’avait pas pu se libérer ce jour-là.

Peu de temps après, Sadam Hussein se dit qu’il n’y a pas assez de place dans le Golfe pour deux tyrans (d’où la fameuse blague « comment fait-on rentrer deux tyrans dans une Golf décapotable », réponse au 39800, 2 euros 30 la minute) et envahit l’Iran en 1980. La guerre Iran-Irak durera huit ans, avant que Khomeini n’accepte enfin le cessez-le-feu. Il aura pris le soin avant ça de faire exécuter les 3000 prisonniers politiques détenus à Téhéran. Avant de tomber malade, Khomeini a encore le temps de s’en prendre à l’écrivain Salman Rushdie et de lancer contre lui une fatwa, avec un w comme dans Wanfigueye, puis meurt le 3 juin 1989 des suites d’une hémorragie interne. Un million d’Iraniens suivront ses obsèques. L’ayatollah se retire, enfin, dit l’ayatolette.

Ah oui, j’oubliais... comment fait-on rentrer deux tyrans dans une Golf décapotable ? Réponse: la Belgique.

La véritable histoire vraie de Noe Darwin (1)


La véritable histoire vraie de Noé Darwin

Ce n’était pas tant de voir le ciel éclairé d’un grand soleil, c’était plutôt le chant mélodieux des oiseaux dans la brume du matin qui lui manquait le plus. D’un geste sec, Noé Darwin referma l’obturateur du périscope secondaire et laissa filer entre ses mains le mince filin qui maintenait ouvert le volet du sas de sécurité.


Il regarda la pâle lumière du jour naissant disparaître avec un grincement sinistre qui n’avait lui rien de mélodieux, comme si la carcasse de plomb tout entière tenait à lui faire remarquer combien sa situation n’avait rien d’enviable. Et ce n’est pas les quelques reflets de ciel gris qu’il pouvait de temps à autre apercevoir en se tordant le cou qui allait le réconforter. Ca n’avait rien de réconfortant, tout juste quelques traînées de lumières blanchâtres qui provenaient sans doute de l’épave alanguie d’un vieil aéronef depuis longtemps tombé en lambeaux après s’être écrasé lamentablement sur le sol avec un de ces bruits mats qui avaient si longtemps hanté ces nuits et continuaient de lui donner des sueurs froides des années après. Il lui semblait parfois que les avions ne cessaient jamais de tomber, à chaque fois qu’il croyait entendre un de ces chocs sourds ou qu’il sentait vibrer de manière presque imperceptible les lourdes parois métalliques de son petit intérieur douillet. Mais il savait bien que c’était tout à fait impossible, les moteurs des derniers aéroplanes avaient cessé de fonctionner à la seconde même où c’était arrivé, à cet instant précis où toutes les machines du monde vivant avaient décidé d’un commun accord qu’il était temps pour elles de laisser l’homme se débrouiller seul, et qu’elles même non plus n’étaient pas de taille à lutter contre l’ennemi invisible qui frappait de toutes ses forces les moindres recoins de la Terre. Ces vibrations n’étaient que l’écho morbide de la grande catastrophe, les derniers soubresauts de vie d’une planète qui s’était embrasée d’un seul souffle et dont les entrailles vomissaient en maugréant les derniers espoirs de la race humaine. Elles étaient beaucoup trop régulières et trop faibles pour être autre chose que quelques-unes de ces secousses sismiques dont les prémices auraient du alerter la population bien des années auparavant, et dont lui-même, Noé Darwin, géologue et anthropologue hautement sous-estimé, n’avait su saisir la véritable portée alarmante. Lorsqu’il avait compris que quelque chose de terrible allait se produire, il était déjà presque trop tard pour que l’on prenne au sérieux les allégations désordonnées d’un vieux fou qui avait enterré une vieille carcasse de sous-marin soviétique dans son jardin et passait son temps à la tapisser de plomb comme une marmotte prépare son terrier avant l’hiver en le bourrant de fétus de paille.

(à suivre)