Penchons nous aujourd’hui sur la vie tumultueuse et la carrière agitée d’une grande dame du cinéma hollywoodien, la dangereusement vénéneuse Ava Gardner. Ah, Ava... Ava. Oui, ça va bien, je vous remercie, mais ce n’est pas de moi dont on parle.
Née le soir de Noël 1922 dans une famille d’exploitants de tabac de Caroline du Nord, là où les méchants neg’ font ‘ien qu’à pisser dans les plantations pour faire chier les pat’ons, Ava Gardner suit sans passion des cours de sténo-dactylo pour faire plaisir à ses parents. Mais la jeune fille ne rêve que d’une chose, sortir de son patelin pourri plein de noi’ qui font ‘ien qu’à ‘eluquer son de’ière, et rend souvent visite à sa soeur aînée Béa, new-yorkaise d’adoption mariée à un photographe professionnel. Celui-ci, totalement subjugué par le charme de la jeune Ava (oui, ça va, merci, vous allez pas me le demander tout le temps), prend une centaine de clichés qu’il envoie aux studios de MGM sur les conseils d’un ami qui y travaille. A 19 ans, la belle signe un contrat de sept ans à 50 dollars par semaine, et part à Hollywood avec sa soeur, en plein conte de fée.
Mais le conte de fée ne va pas durer : car si Ava est bonne, Ava vient de Caroline du Nord, et son accent traînant à de quoi faire débander plus d’un producteur. Elle obtient tout de même de petits rôles mais se fera surtout connaître du grand public en mettant dans son lit le jeune premier Mickey Rooney, se marie dans la foulée puis divorce seize mois plus tard, repousse pendant trois ans les avances du milliardaire Howard Hugues avant de craquer pour un musicien minable du nom d’Artie Shaw, ça ne s’invente pas, dont elle finira fatalement par briser le coeur.
Côté filmographie, rien à se mettre sous la dent avant Les Tueurs en 1946, mais Ava (oui, merci) est encore une potiche sans intérêt, bonne à jouer la décoration dans les films de Clark Gable, Gregory Peck ou Robert Mitchum, et à briser les ménages en devenant la maîtresse de Franck Sinatra, qu’elle épousera en 1951 lorsque celui-ci divorce de Nancy, charmante bourgade minière du Nord Est et merde, je me suis encore trompé de fiche. S’ensuivent (enfin) quelques grands rôles, Mon Passé Défendu en 1951, Les Neiges du Kilimandjaro en 1952, Mogambo, et surtout les Chevaliers de la Table Ronde avec Robert Taylor, à ne pas confondre avec le remake méconnu de Claude Rich, parce que my Robert Taylor is not Claude Rich, hein, non mais.
La Comtesse aux Pieds Nus lui apporte la consécration, La Nuit de l’Iguane révèle enfin la grande actrice qui sommeille derrière son décolleté ravageur, et après quelques films de cet acabit, Ava Gardner met un terme à sa carrière en 1968 et s’installe à Londres en attendant ses derniers jours. Qui mettront un peu de temps à venir, lui laissant l’occasion de se commettre dans l’horrible Harem en 1986, année où elle tombe malade. Ava plus trop, et elle décède finalement d’une pneumonie en 1990, à l’âge de 67 ans. Rideau.
dimanche 31 janvier 2010
La véritable histoire vraie de Juliette Montaigu (1)
Ça allait être une journée parfaite. Juliette Montaigu caressa distraitement la tignasse en broussaille qui reposait sur son épaule dénudée et se soulevait au rythme d’une respiration apaisée, puis tenta en tirant la langue de se frayer un passage vers le bord du lit sans réveiller le pauvre garçon extenué par les trois orgasmes successifs qu’elle lui avait soutirés ardemment, comme en témoignaient les innombrables sachets de préservatifs éventrés qui jonchaient le parquet de son petit loft bordelais, sa « garçonnière » comme elle l’appelait... d’autres avaient des bonbonnières qu’elles garnissaient prudemment de caramels mous en attendant la rigueur de l’hiver, elle préférait emplir le sien de friandises beaucoup plus goulues et bien montées, même si ce n’était pas forcément la taille qui comptait, et encore, elle pouvait émettre des doutes à ce sujet, pas sûr que son bel étalon trouve autant grâce à ses yeux le jour où il ne serait plus capable de la faire jouir avec tant d’ardeur, à faire tambouriner les voisins sur tout les murs de son appartement, sales rats, vieilles peaux aigries et frustrées, ça allait encore piailler derrière son dos et elle serait obligée de tout nier en bloc, à nouveau, tiens, le café était déjà prêt, voilà ce qu’Il trafiquait dans sa cuisine un peu plus tôt dans la matinée, à l’heure où le soleil cajoleur de ce mois de juillet commençait à peine à darder ses premiers rayons au-dessus de la Garonne rougeoyante dont les reflets ocres dansaient joyeusement devant ses yeux encore à moitié clos, alors qu’elle sirotait son café avec ces petits bruits de chuintement dont il raffolait, et ce tic de gorge si particulier qu’Il était bien le seul à supporter, le commentant même d’un petit gloussement sonore qui émergea soudainement de sous les draps lavandes dont Il était en train d’émerger péniblement, fantôme maladroit qui se transforma soudainement en prince charmant des contes de fées à l’épée flamboyante fièrement tendue vers les cieux, arrachant à Juliette un petit sourire attendri qu’elle se hâta de réprimer en détournant prestement le regard pour ne pas se laisser happer par la vision céleste de son torse puissant et de sa queue soyeuse qui la pénétrait avec ce rythme obsédant dont lui seul semblait connaître la mesure, bing, bang, ding, dong, et voilà que l’horloge de l’Eglise Saint Michel sonnait onze heures tapantes et la fin du marché toute proche, ding, dong, et ses longues mains qui se renfermaient avec aisance sur ses hanches délicates lorsqu’il prenait possession de son corps et rentrait en elle avec une telle force qu’elle devait mordiller le coussin pour ne pas hurler et fermer les yeux pour faire disparaître ces images de sa tête avant d’être tentée de le rejoindre sous la douche, mais voilà qu’il en sortait déjà, heureusement, habillé de frais, le regard coquin et le stylo déjà mordillé à la bouche, cherchant fiévreusement des yeux dans tout l’appartement un morceau de papier sur lequel coucher en vrac toutes les pensées nocturnes qui avaient assaillies son cortex, à s’en retourner dans le lit en balbutiant des suites de mots sans queue ni tête qui faisait sourire Juliette dans son demi-sommeil, alors qu’elle tentait d’imaginer ce que cela pourrait bien donner une fois délicatement mis en ordre avec la verve qu’elle lui connaissait dans ses bons jours.
(à suivre)
(à suivre)
dimanche 17 janvier 2010
Dictionnaire impromptu : Albert Camus
Albert Camus est né en 1913 à Mondovi, charmante petite bourgade de la côte orientale algérienne surnommé « le Petit Paris » sans que l’on sache exactement pourquoi : pointez-vous à Mondovi avec une carte de Paris et vous êtes paumés en dix minutes. Comme le racontait si bien Coluche, ils disent qu’ils veulent développer le tourisme mais ils se foutent de notre gueule, y’a pas une rue qui correspond.
L’année d’après, la 1ère guerre mondiale éclate et le jeune Albert Camus ne connaîtra jamais son père, négociant en vin d’Alger tué dès les premiers affrontements. Il est donc élevé par sa mère, à moitié sourde et qui ne sait ni lire ni écrire, ce qui est toujours mieux qu’un demi-gendarme, vous savez, ces gens qui ne savent ni lire. Très vite, Albert Camus obtient une bourse et part faire ses études à Alger, où il entame une carrière prometteuse de gardien de but, très vite écourtée par la tuberculose qui le frappe de plein fouet en 1930. Mis au repos forcé, Camus écrit son premier ouvrage, « L’Envers et l’Endroit », puis travaille pour Alger Républicain, le journal du Front Populaire interdit en 1940. Qu’importe. Albert divorce la même année de Simone Hié, épouse Francine Faure et se barre à Paris où il trouve un job de secrétaire de rédaction à Paris Soir. En 1942 sort « L’Etranger », énorme blockbuster de la littérature française dont on ne sous-estime que trop peu l’influence néfaste sur la civilisation moderne : sans l’Etranger, pas de Killing An Arab, sans Killing An Arab, pas de Cure, sans Cure, pas d’Indochine, et sans Indochine, on serait quand même bien plus peinards.
Nous sommes en 1944 et Albert Camus se lie d’amitié avec Jean-Paul Sartre tout en prenant la direction du journal clandestin Combat, où il est un des seuls intellectuels français à dénoncer l’utilisation de la bombe atomique en 1945 par les américains. Pacifiste convaincu et humaniste désespéré, il retourne à Alger en pleine guerre d’Algérie, en 1956, pour y lancer son fameux « Appel pour la trêve civil », s’attirant les foudres des indépendantistes qui le menacent de morts. Albert Camus est très touché par la défiance de ses compatriotes pieds-noirs et écrit cette même année La Chute, bouquin pessimiste au possible.
Sans avoir rien écrit d’autres trucs intéressants depuis l’Etranger, il reçoit en 1957 le prix Nobel de Littérature (c’était lui ou le filer à Franquin qui venait de pondre le personnage de Gaston Lagaffe). Trois ans plus tard, le 4 janvier 1960, il est victime d’un accident de voiture conduite à 180 km/heure par Michel Gallimard, le neveu de l’éditeur Gaston (Gallimard, pas Lagaffe, suivez un peu), décède sur le coup et est enterré dans un petit village du Lubéron où il avait acheté une propriété. 50 ans plus tard, Nicolas Ier, roi des cons (rappelez-vous, un con, ça ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît), propose de transférer les restes d’Albert Camus au Panthéon. Quand j’ai entendu ça, il m'a semblé que le ciel s'ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma mains sur le revolver. La gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et c'est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant que tout a commencé. J'ai secoué la sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors, j'ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût.
Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.
L’année d’après, la 1ère guerre mondiale éclate et le jeune Albert Camus ne connaîtra jamais son père, négociant en vin d’Alger tué dès les premiers affrontements. Il est donc élevé par sa mère, à moitié sourde et qui ne sait ni lire ni écrire, ce qui est toujours mieux qu’un demi-gendarme, vous savez, ces gens qui ne savent ni lire. Très vite, Albert Camus obtient une bourse et part faire ses études à Alger, où il entame une carrière prometteuse de gardien de but, très vite écourtée par la tuberculose qui le frappe de plein fouet en 1930. Mis au repos forcé, Camus écrit son premier ouvrage, « L’Envers et l’Endroit », puis travaille pour Alger Républicain, le journal du Front Populaire interdit en 1940. Qu’importe. Albert divorce la même année de Simone Hié, épouse Francine Faure et se barre à Paris où il trouve un job de secrétaire de rédaction à Paris Soir. En 1942 sort « L’Etranger », énorme blockbuster de la littérature française dont on ne sous-estime que trop peu l’influence néfaste sur la civilisation moderne : sans l’Etranger, pas de Killing An Arab, sans Killing An Arab, pas de Cure, sans Cure, pas d’Indochine, et sans Indochine, on serait quand même bien plus peinards.
Nous sommes en 1944 et Albert Camus se lie d’amitié avec Jean-Paul Sartre tout en prenant la direction du journal clandestin Combat, où il est un des seuls intellectuels français à dénoncer l’utilisation de la bombe atomique en 1945 par les américains. Pacifiste convaincu et humaniste désespéré, il retourne à Alger en pleine guerre d’Algérie, en 1956, pour y lancer son fameux « Appel pour la trêve civil », s’attirant les foudres des indépendantistes qui le menacent de morts. Albert Camus est très touché par la défiance de ses compatriotes pieds-noirs et écrit cette même année La Chute, bouquin pessimiste au possible.
Sans avoir rien écrit d’autres trucs intéressants depuis l’Etranger, il reçoit en 1957 le prix Nobel de Littérature (c’était lui ou le filer à Franquin qui venait de pondre le personnage de Gaston Lagaffe). Trois ans plus tard, le 4 janvier 1960, il est victime d’un accident de voiture conduite à 180 km/heure par Michel Gallimard, le neveu de l’éditeur Gaston (Gallimard, pas Lagaffe, suivez un peu), décède sur le coup et est enterré dans un petit village du Lubéron où il avait acheté une propriété. 50 ans plus tard, Nicolas Ier, roi des cons (rappelez-vous, un con, ça ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît), propose de transférer les restes d’Albert Camus au Panthéon. Quand j’ai entendu ça, il m'a semblé que le ciel s'ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma mains sur le revolver. La gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et c'est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant que tout a commencé. J'ai secoué la sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors, j'ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût.
Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.
La véritable histoire vraie de Noe Darwin (4)
En même temps, quelle femme aurait été assez stupide pour accorder un simple regard à un vieux fou dans son genre, et quelle femme l’aurait suivi dans un antique sous-marin soviétique enterré dans un jardin de banlieue pour les protéger d’une éventuelle catastrophe électromagnétique et thermonucléaire dont il avait toujours bien été incapable de prouver ne serait-ce qu’un dixième de la plausibilité ?
Noé Darwin tapa des deux poings sur la table. Il n’avait plus vraiment le choix. Ses réserves s’amenuisaient singulièrement, et il ne pouvait décemment pas attendre béatement la mort après avoir lutté tant d’années. S’il lui restait un espoir, s’il restait un espoir pour l’humanité, il ne pouvait résider que dans l’existence, ailleurs, quelque part dans le monde, de quelque survivante dont il lui faudrait retrouver la trace avant de la convaincre de procréer avec lui, quand bien même il n’était qu’un vieillard rachitique aux muscles noueux. Pour cela, il lui faudrait déjà mettre un pied au dehors, et cette perspective seule le terrifiait bien plus que toutes les femmes du monde, dont il avait pourtant une peur bleue depuis son plus jeune âge. A tâtons, Noé Darwin s’empara de la grossière combinaison de cosmonaute dont il avait passé les dernières années à améliorer sans cesse l’étanchéité et la maniabilité, sans être vraiment convaincu qu’elle lui suffise à affronter l’atmosphère extérieure. A vrai dire, il ne savait pas trop ce qui pouvait l’attendre exactement dehors, sinon un tissu de projections plus ou moins scientifiques à propos desquelles il n’avait cessé de changer d’avis, voguant d’hypothèses facultatives en théories foireuses au gré de ses humeurs du moment, potassant des centaines de livres contradictoires sur la question sans jamais arriver à se décider. Peut-être qu’il se trompait du tout au tout, et que la température extérieure avoisinait plutôt les +93° que les -67°, auquel cas il cramerait sur place en quelques secondes au lieu de lutter péniblement quelques heures contre le froid. Peut-être qu’à la place des crevasses arides et des tremblements de terre à répétition dont il supputait l’existence, les océans avaient envahi la majeure partie des terres connues, auquel cas sa lourde combinaison ne lui servirait qu’à sombrer plus rapidement au fond de l’eau pour y oublier ses rêves de reconstruction de la race humaine. Peut-être qu’il en avait marre des peut-être, et sans doute qu’il était temps d’en avoir le coeur net. Se levant d’un bond, Noé Darwin empoigna la combinaison sur la table et l’enfila avec précaution. Il ouvrit la trappe qui menait à l’étage inférieure, croisa du regard la trentaine de paire d’yeux affolés qui se levaient vers cette lumière soudaine, et comme s’ils pouvaient le comprendre après toutes ces années passées ensemble, leur annonça d’une voix tremblotante qu’il revenait de suite et qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. Il prit le joyeux caquètement des poules comme un encouragement suffisant, referma la trappe derrière lui après avoir embrassé du regard ses compagnons d’infortune une dernière fois, et rejoint rapidement l’étage supérieure du sous-marin en exécutant machinalement au passage tous les gestes qu’il avait répété des centaines de fois dans son sommeil. A l’instant où il s’apprêtait à pénétrer dans le sas de sécurité, toute la carcasse de l’engin trembla encore une fois comme si les plaques métalliques allaient s’éventrer d’un instant à l’autre, et Noé Darwin eut un mouvement de recul. Le coeur battant, il prit une profonde respiration, se signa rapidement et referma derrière lui la lourde porte en acier avant d’appuyer d’un geste las sur la commande d’ouverture de l’entrée extérieure. Tout d’abord, Noé Darwin ne vit rien. Rien que du blanc. Ebloui par la lumière violente, il tâta tous les membres de son corps et constata avec soulagement qu’il était encore entier. En vacillant, il fit quelques pas en avant, tentant de s’extraire péniblement de l’amas de ronces qui barraient l’accès du sous-marin. Il n’avait jamais été aussi heureux de devoir faire attention à ne pas se piquer aux épines rugueuses. Si quelque végétation avait pu survivre, tout n’était pas perdu. Prudemment, il se fraya un chemin à travers l’énorme buisson qui entourait totalement la zone de quelques mètres au centre de laquelle disparaissait le cône brillant du sous-marin presque entièrement enfoui. Encore quelques mètres, et il saurait à quoi s’en tenir. Encore quelques centimètres, et il pourrait respirer, ou pleurer à chaudes larmes, il ne savait pas encore. Encore quelques millimètres, et il y était. Il y était. Flageolant sur ses jambes, Noé Darwin porta la main à la visière de son casque et fondit subitement en larmes. C’était encore pire que tout ce qu’il avait pu imaginer.
Malgré ses six ans et demi à peine tassés, Jenny Carlton était une jeune fille plutôt dégourdie et un peu effrontée. Sa maman lui avait défendu de montrer les gens du doigt, mais l’étrange personnage en costume de Buzz l’Eclair qui venait de débarquer au milieu de leur terrain de jeu était tout simplement hilarant, et elle ne pu s’empêcher de s’esclaffer en rameutant tous ses petits camarades avec des grands cris réjouis que ne couvrit qu’à grande peine le vrombissement sonore du métro voisin. C’était un beau jour d’été à Central Park, et rien ne semblait pouvoir troubler la quiétude du moment. Au-dessus des têtes des enfants rieurs qui entamaient une joyeuse farandole autour d’un cosmonaute agenouillé, un antique lampadaire clignota malicieusement. Il donnait des signes de faiblesse certains depuis la grande panne d’électricité de 2011 qui avait plongé tout le pays dans le noir pendant deux jours entiers, mais il lui semblait que c’était aujourd’hui le bon jour pour s’éteindre définitivement.
dimanche 10 janvier 2010
Dictionnaire impromptu : Fausto Coppi
Né en 1919 à Castellania, un petit village de la province d’Alessandria, Fausto Coppi est le 4e enfant d’une famille d’humbles paysans italiens comme on en voit que dans les films d’Antonioni, ces magnifiques fresques champêtres aux noms aussi évocateurs que « Ti Amo Dans la Grangeo » ou « Una Fourcha dans la Culotta ». Fausto n’est pas très cinéma, sont truc à lui, dès le plus jeune âge, c’est le vélo : à 14 ans, il quitte l’école et rentre en apprentissage comme livreur chez un charcutier, une bonne excuse pour sillonner la région dans tous les sens sur sa bicyclette en rêvant à des lendemains qui jante.
A 15 ans, il rencontre Biagio Cavanna, un masseur aveugle qui le prend sous son aile et lui fait prendre conscience de son potentiel en lui tripotant sans cesse la cage thoracique, qu’il avait surdéveloppée. Fausto Coppi n’est pas du genre à se braquet pour si peu, il suit les conseils du maître, gagne sa première course à 19 ans, passe professionnel à 20 et remporte le Giro dans la foulée, pour sa première participation. Nous sommes en 1939, et la guerre vorace pointe le bout de son nez sur la ligne de départ. Fausto Coppi aurait pu se faire réformer en raison de son statut privilégié, mais ce n’est pas une pédale : il s’engage dans l’armée italienne, est fait prisonnier par les anglais trois mois plus tard et attendra 1945 pour rentrer au pays.
La guerre est finie, le vélo reprend ses droits : sous les couleurs de l’équipe Bianchi, Fausto gagne en 10 ans a peu près tout ce qu’il est possible de gagner (le Giro à 5 reprises, deux Tours de France et un titre de champion du monde en 1953) et invente un style tout en souplesse qui le fait rapidement surnommer l’Albatros. Adepte d’innovations en tout genre, il expérimente de nouveaux moyens d’entraînements, s’intéresse à l’amélioration du matériel et à la diététique, inventant notamment au passage le fameux régime sans selle. Aïe.
Après 10 ans de courses où il surclasse sans cesse tous ses concurrents, Fausto Coppi est un pneu fatigué. Marqué par la disparition de son frère, mort dans une chute à l’arrivée du Tour du Piémont, Fausto n’y est plus vraiment. Il délaisse peu à peu les lacets du Tour de France pour aller gravir le col de l’utérus de sa maîtresse Giulia Occhini, dont il a un fils prénommé Faustino. Le scandale éclate, Fausto pense à arrêter le vélo mais accepte une dernière course caritative au Burkina Fasso. A son retour, à la Noël 1959, Fausto Coppi ne se sent pas très bien mais pense d’abord à une grippe. Les médecins ne comprendront que trop tard qu’il a choppé la malaria, et le grand cycliste italien s’éteint le 2 janvier 1960, doublé d’un boyau par la mort sur la ligne d’arrivée.
A 15 ans, il rencontre Biagio Cavanna, un masseur aveugle qui le prend sous son aile et lui fait prendre conscience de son potentiel en lui tripotant sans cesse la cage thoracique, qu’il avait surdéveloppée. Fausto Coppi n’est pas du genre à se braquet pour si peu, il suit les conseils du maître, gagne sa première course à 19 ans, passe professionnel à 20 et remporte le Giro dans la foulée, pour sa première participation. Nous sommes en 1939, et la guerre vorace pointe le bout de son nez sur la ligne de départ. Fausto Coppi aurait pu se faire réformer en raison de son statut privilégié, mais ce n’est pas une pédale : il s’engage dans l’armée italienne, est fait prisonnier par les anglais trois mois plus tard et attendra 1945 pour rentrer au pays.
La guerre est finie, le vélo reprend ses droits : sous les couleurs de l’équipe Bianchi, Fausto gagne en 10 ans a peu près tout ce qu’il est possible de gagner (le Giro à 5 reprises, deux Tours de France et un titre de champion du monde en 1953) et invente un style tout en souplesse qui le fait rapidement surnommer l’Albatros. Adepte d’innovations en tout genre, il expérimente de nouveaux moyens d’entraînements, s’intéresse à l’amélioration du matériel et à la diététique, inventant notamment au passage le fameux régime sans selle. Aïe.
Après 10 ans de courses où il surclasse sans cesse tous ses concurrents, Fausto Coppi est un pneu fatigué. Marqué par la disparition de son frère, mort dans une chute à l’arrivée du Tour du Piémont, Fausto n’y est plus vraiment. Il délaisse peu à peu les lacets du Tour de France pour aller gravir le col de l’utérus de sa maîtresse Giulia Occhini, dont il a un fils prénommé Faustino. Le scandale éclate, Fausto pense à arrêter le vélo mais accepte une dernière course caritative au Burkina Fasso. A son retour, à la Noël 1959, Fausto Coppi ne se sent pas très bien mais pense d’abord à une grippe. Les médecins ne comprendront que trop tard qu’il a choppé la malaria, et le grand cycliste italien s’éteint le 2 janvier 1960, doublé d’un boyau par la mort sur la ligne d’arrivée.
La véritable histoire vraie de Noe Darwin (3)
Noé Darwin s’encouragea à haute voix, tapa des deux mains sur la table pour se motiver et se dirigea les bras chargés vers la dernière échelle du sous-marin en jetant autour de lui un regard satisfait. Il avait tout de même fait du très bon boulot jusqu’ici, plus que quiconque au monde n’aurait été même capable d’imaginer en avoir l’idée.
Il récupérait l’eau d’une poche souterraine hermétique grâce à un ingénieux système de conduits encastrés dans la roche, et s’était employé des semaines durant à installer un matériel de filtrage très coûteux qui lui permettait de régénérer son propre oxygène en évacuant au passage ce maudit carbone. Tout serait presque parfait si ses connaissances limitées en électronique de pointe ne lui avaient pas permis de réparer les nombreux instruments de mesure disséminés à la surface et qui avaient sans doute été endommagés au moment de l’impact, mais cela lui évitait au moins de se faire du mauvais sang à chaque fois qu’il aurait posé les yeux sur les cadrans désespérément bloqué sur le rouge. Certes, il aurait préféré que cet énorme bloc de pierre ne vienne pas se poser à quelques centimètres de la lentille de son périscope central. Mais il était certain que la vue quotidienne des cadavres et de la désolation générale qui régnait à la surface aurait été de nature à lui couper l’appétit, et c’était bien là encore tout ce qu’il lui restait.
L’accueil triomphal auquel eut droit Noé Darwin en pénétrant dans l’étable qui occupait tout le bas du sous-marin suffit à lui rendre le sourire quelques instants. Il flatta la croupe que lui tendait gentiment Jeannine, complimenta longuement les poules sur la brillance de leurs plumes et enjamba trois porcelets qui ronflaient profondément pour aller déverser la soupe commune dans l’auge centrale. L’endroit avait beau être parfois d’une puanteur exquise, cette douce odeur de promiscuité avait quelque chose d’infiniment rassurant à ses yeux... mais il savait bien que là aussi, il faudrait faire quelque chose sous peu. Même s’il avait bien pris soin de n’emmener avec lui que des espèces animales auxquelles il prêtait une certaine utilité dans l’optique de sa survie et du repeuplement progressif de la planète, l’assemblage hétéroclite des animaux entassés les uns sur les autres dans un joyeux bordel lui arracha un gémissement de compassion et il resta là quelques instants, prostré, repoussant toujours plus l’idée que tout cela devait avoir une fin un jour, d’une manière ou d’une autre. La langue râpeuse de son épagneul breton, un solide mâle de huit ans au pelage brun, finit par l’arracher de sa torpeur. Il lui caressa la tête en retour quelques secondes, se releva d’un bond et quitta presque à regret sa ménagerie pour retourner à l’étage supérieur par l’écoutille branlante, dont il referma derrière lui la lourde porte hermétique pour ne pas entendre le piaillement incessant des bestiaux. Il posa le récipient sur la table, s’assit et posa sa tête entre ses mains, le regard dans le vide. Un des chats qui s’était malicieusement glissé à sa suite par l’étroite échelle de communication vint s’installer en miaulant faiblement entre ses genoux, et Noé Darwin lui caressa distraitement le haut du crâne. Il aimerait être un chat, des fois, et ne pas avoir à se poser tant de questions. Il aimerait être un chat pour ne pas être un humain, ne pas avoir été responsable, tant bien que mal, ne serait-ce que parce qu’il faisait malgré lui partie de cette race maudite, de la plus grande catastrophe qu’ait connu l’humanité. Il aurait aimé être un chat pour ne pas avoir à se demander quelle issue il pourrait bien trouver à tout ça, coincé comme un rat sur un navire en perdition au milieu d’un océan de cadavres enchevêtrés. Vraiment, quelle brillante idée il avait eu là. Parfois, il aurait préféré mourir bêtement dans les premières secondes du chaos, il aurait espéré ne pas avoir été animé par cette espèce d’instinct de survie stupide qui l’avait conduit à se croire capable de tout ça. Et voilà qu’il était le dernier homme vivant sur Terre. Ca lui faisait une belle jambe. Brillant, vraiment brillant. Car aussi brillant qu’il pouvait être, en aussi haute estime qu’il pouvait porter son intellect, il fallait bien qu’il se rende à l’évidence, il avait oublié une des caractéristiques fondamentales de l’évolution de l’espèce humaine : Adam et Eve étaient deux. Et lui était tout seul, comme un con, entouré de sa ménagerie sur laquelle il avait focalisé toute son attention.
(à suivre)
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