mercredi 15 avril 2009

La sanguinolente histoire vraie de James Bean (1)

Tout le monde s’accordait pour le dire : James Bean était une star. Il faut dire qu’en contrepartie d’un nom de famille affligeant (« le haricot »…quelle idée) et d’une éducation déplorable, ses parents lui avaient aussi légué une des plus belles parures qu’il soit, une longue chevelure bouclée emplie de ses mêmes reflets rougeoyants qui ornaient sa campagne natale du Kentucky.

Ils lui avaient aussi gentiment laissé de grands yeux bleus que promenaient toujours si innocemment James Bean sur le monde qui l’entourait, faisant se pâmer toutes les filles à des kilomètres à la ronde. Bien sûr, tout ceci n’est pas entièrement vrai. Primo, c’est surtout sa mère qui lui avait transmis cette beauté diaphane, son père était un de ces ouvriers agricoles court sur pattes et nanti d’horribles petits yeux rapprochés l’un de l’autre et enfoncés dans leurs orbites comme s’ils se refusaient absolument à affronter la laideur du personnage. Secundo, James Bean était aussi innocent qu’un politicien en fin de carrière, aussi blasé que s’il avait déjà vécu trois vies et connu toutes les femmes. Avec elles, il était particulièrement vicieux, baissait faussement les yeux de timidité lorsqu’elles gloussaient sur son passage, relevant les épaules et bombant le torse lorsque c’était elles qui détournaient le regard par mégarde. James Bean avait mis au point une technique de séduction particulièrement infaillible qui consistait à ne jamais se montrer totalement sûr de soi tout en faisant comprendre aux jeunes filles qu’il retrouverait certainement toute sa confiance en lui au premier câlin qu’elles lui prodigueraient. Et Dieu sait si James Bean ne manquait pas de câlins, le chouchou de ces dames ne comptait plus les caresses et les promesses de gâterie obtenues à la seule force de ses yeux bleus malicieux de cow-boy solitaire en goguette, chevauchant hardiment sa monture noire métallisée à travers toute la ville. Car c’était, avec sa passion des femmes, ce qui caractérisait le plus James Bean : son amour de la vitesse. Il aimait être grisé par le vent qui rabattait ses boucles blondes en un casque doré lorsqu’il dévalait à toute allure la rue principale du patelin parental, sans jamais se soucier de se faire interpeller par les forces de l’ordre locales. Pour cela, pas de souci, il avait sa petite réputation qui le mettait à l’abri de ce genre de désagréments, l’annonce de son récent succès cinématographique était parvenu suffisamment vite à l’oreille du plus bouseux des adjoints du shérif pour que pas un ne se permette de porter le sifflet à la bouche sur son passage. Et diable, s’ils ne voulaient l’arrêter que pour lui demander un autographe, ils pouvaient tout aussi bien s’adresser à son agent, James Bean le payait bien assez cher pour ça… ce rigolo n’était pas même fichu de lui dégoter un rôle à sa hauteur, lui qui était pourtant promis à rentrer un jour au panthéon des acteurs mythiques, aux côtés de ces héros dont les posters recouvraient sa chambre. Une voyante lui avait confirmé quel grand avenir l’attendait, un avenir fait de dîner dans la haute société et d’actrices aux poitrines hallucinogènes.

- la suite bientôt -

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