samedi 27 juin 2009

Théorie foireuse : le célibataire endurci bande t’il en permanence ?

Question : pourquoi le célibataire est-il toujours si endurci ? Il est vrai que si le célibataire est ramolli, alors ne devra pas s’étonner de le rester, célibataire. Ne serait-ce que parce que la femme moderne et conquérante préfère que le frein soit solide lorsqu’elle le ronge patiemment en attendant son heure de gloire. Admettons. La question reste entière. Qu’est ce qui distingue le célibataire endurci du célibataire ramolli ?

La réponse a fusé de la droite, une quinzaine de centimètres, me dit la demoiselle au chapeau de paille qui gagne un magnifique presse-purée électrique avec lequel elle pourra éventrer indélicatement le célibataire trop ramolli. Plus sérieusement, peut-être, on peut signaler que le célibataire endurci est aussi appelé célibataire contrariant, il ne se laisse pas passer la corde au cou si facilement, alors que le célibataire ramolli fait plus partie de la grande famille des célibataires contrariés, du genre à se passer tout seul la corde au cou avec une facilité désarmante.

Admettons. La question reste entière. Est- ce que le célibataire endurci bande en permanence ?

La réponse a fusé de la gauche, ça dépend de la pionne qui surveille la permanence, me dit le jeune homme avec une casquette qui gagne le droit de fermer sa gueule dès qu’il en aura de nouveau l’occasion. Plus sérieusement, peut-être, nous devons bien convenir, mesdemoiselles, que même pour un célibataire endurci, l’activité érectile permanente présente de graves dangers physiques. Parmi les célibataires endurcis, on ne compte d’ailleurs plus les accidents qui mettent parfois en cause d’autres usagers de la route, une manœuvre un peu compliquée dans un couloir ou une sortie d’ascenseur, un faux mouvement, un mauvais usage du klaxon, et voilà un innocent éborgné à vie. Bien que cet exemple en particulier soit uniquement vrai pour l’espèce rare des étalons dits « roccosifrediens ». « trop rare » rajoute la demoiselle au chapeau de paille qui gagne un adaptateur en caoutchouc qu’elle pourra utiliser comme bon le semble avec son presse-purée électrique.

Admettons. La question reste entière. Qu’est-ce qui définit un célibataire ?

La réponse nous est donnée par le Petit Larousse, alors que le Petit Robert a été dispensé de sport aujourd’hui, j’ai ici un mot de sa maman. Le célibataire, nous dit le Petit Larousse, c’est celui qui est en âge d’être marié mais qui ne l’est pas et ne l’a jamais été. Reste à définir à quel âge est-on censé être en âge d’être marié, et j’entends déjà d’ici s’entrechoquer de peur les dents de la post-trentenaire qui sent s’approcher d’elle à grands pas la ménopause à la tête de son cortège de tétons rabougris et de libido en berne. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, dans le dictionnaire, le mot célibataire est coincé juste entre les mots « ceinture » et « cellulite ». Tremblez, tremblez, travailleurs de la merde, car bientôt la mer reprendra ses droits, une femme dans chaque port et un porc dans chaque femme.

Mais le Petit Larousse ne nous explique pas le plus important : peut-on, au lieu de devoir choisir entre être un célibataire endurci et ramolli, se considérer comme faisant partie de l’espèce en voie de disparition des célibataires underground ?

Admettons. Pour résumer plus simplement, à l’intention des jeunes et des imbéciles qui nous écoutent à la radio ce soir, nous pouvons dire que le célibat est la période la plus heureuse de la vie. Quel bonheur de ne pas avoir de contrainte, d’être libre de faire ce qui nous chante quand ça nous chante. Quel bonheur de pouvoir draguer toute la soirée et de se prendre toute une collection de râteaux suffisante pour ouvrir un Jardiland. Quel bonheur de pouvoir rentrer à n’importe quelle heure de la nuit chez soi, dans son appartement vide, quel bonheur de pouvoir pleurer tout seul dans son lit froid sans personne pour vous déranger, quel bonheur de pouvoir raconter sa journée à un petit chat qui ne vous coupera pas la parole une seule fois, quel bonheur de pouvoir s’endormir devant Drucker le dimanche après-midi au lieu de se promener dans les parcs, quel bonheur de se réveiller honteux alors que déjà sonne huit heures à votre réveil, quel bonheur d’en perdre l’appétit et de maigrir à vue d’œil, quel bonheur de mourir d’ennui, quel bonheur de crever seul.

La véritable histoire vraie d'Archibald Houdini (1)

Au moment précis où Archibald Houdini allait enfoncer son membre vibrant entre les seins laiteux de la créature agenouillée devant lui, il fut brutalement interrompu par le hululement sinistre de la sirène qui annonçait le début du couvre-feu et la fin de sa rêverie en solitaire. Son fantasme s’estompa progressivement au fur et à mesure que s’éteignaient un par un les néons blanchâtres qui éclairaient faiblement les couloirs décrépis de la Maison de Sûreté de Gradignan.

Par habitude, comme pour conjurer le mauvais sort,, Archibald Houdini fixa scrupuleusement la tâche noircie en forme de continent africain qui ornait le mur face à lui, s’interdisant de cligner des yeux, tant que sa Côte d’Ivoire natale n’aurait pas été engloutie totalement dans l’obscurité générale. Ça y est, le noir avait envahi la pièce, et le négro avait envahi ses pensées. À la seconde même où il était né, un observateur peu attentif aurait pu deviner sans trop de mal qu’il n’était pas bien parti dans la vie. C’est en tout cas ce que lui avait asséné l’épicier du coin, un vieux poujadiste sans humour et sans avenir pour qui la négritude du petit Houdini était un élément largement suffisant pour déclarer péremptoirement qu’il n’irait jamais plus loin que les portes du pénitencier que chantait son idole dans les haut-parleurs moisis de son magasin en ruine. Sans compter ce prénom ridicule dont l’avaient affublé ses parents, pensant très certainement que la légère connotation aristocratique d’Archibald pourrait suffire à corriger le tir, éventuellement. Mais lui savait, au fond de lui, que c’était peine perdue, et que l’épicier de la rue Daudel n’était certainement pas tombé bien loin dans ses prédictions avinées. Bien sûr, il avait fallu qu’il donne un petit coup de pouce au destin à un moment donné, qu’il se fasse violence pour suivre la voix royale vers la déchéance qui s’ouvrait gracieusement devant ses yeux myopes et son coeur faiblard. Méticuleusement, il avait exécuté une par une toutes les conneries nécessaires pour être bien certain de ne pas manquer son rendez-vous avec la médiocrité. Ca n’avait pas été bien difficile de basculer rapidement du mauvais côté de la barrière, de se laisser subitement entraîner par la bande de glandeurs patentés qui avaient été programmés pour ruiner patiemment tout espoir de faire un jour quelque chose de bien de sa vie, des études qui l’auraient accidentellement mené à un travail de bureau confortable et bien payé, une femme aimante et fière de lui, des enfants soignés et bien élevés qui gambaderaient joyeusement dans leur belle maisonnette de banlieue, loin de ces H.L.M grisâtres où il avait passé son enfance, loin de cette prison noire comme l’enfer où il risquait fort de passer une bonne partie de son existence. Avec le recul, il avait quand même bien réussi son coup, bien merdé quand il le fallait. Il n’était pourtant pas plus con qu’un autre, même si avec le temps, il s’était rendu compte assez rapidement qu’il serait toujours trop limité pour prétendre à quoi que ce soit d’autre. Il s’était enfoncé peu à peu dans les bas-fonds, sans vraiment lutter, résigné. Et puis, un instant, au moment où il ne voyait plus trop d’issues possibles, un chemin s’était ouvert juste devant ses yeux, une voie tortueuse et nauséabonde qui pouvait bien s’avérer être la seule qu’il ne soit jamais capable de suivre. C’est ce qu’il avait fait, sans trop y réfléchir, en évitant d’y réfléchir même, se vautrant avec délices dans l’apparente facilité de la dégringolade à laquelle il se préparait avec de plus en plus de bonhomie. Avec le recul, Archibald Houdini pouvait être certain d’une chose : ce n’était pas un hasard s’il avait emprunté par mégarde ce chemin, et celui-ci était aussi boueux et nauséabond que pouvait l’être une voie de garage.

(à suivre...)

lundi 22 juin 2009

Définition Impromptue : le Népal

Le Népal est un petit pays d’Asie violemment pris en sandwich entre l’Inde et la Chine comme une saucisse entre deux tranches de pain le jour de la fête de la bière de Francfort, le deuxième samedi de juillet, deux euros la pinte, 8 euros le camping, renseignements à l’office du tourisme le plus proche ou sur www.saucissebiere.com . Le Népal est appelé Népal pour pas qu’on ne le confonde avec le Tibet, patrie du chanteur Serge Lama, du footballeur Bernard Lama, et bien sûr du joueur de pétanque sur gazon Marcel Lama.

La distinction entre les deux est flagrante, il est d’ailleurs à noter que « Tintin Au Népal » sonne beaucoup moins bien que « Tintin Au Tibet ». On s’étonnera d’ailleurs que le titre retenu n’ait pas été finalement Tintin au Laos, le tourisme sexuel y est pourtant beaucoup plus répandu qu’à Katmandou, ce qui n’empêchera pas pour autant l’homosexuel refoulé de service susnommé de satisfaire ses appétits insatiables, lui qui pointe sans vergogne et tout un album durant sa houppette de poulette vers le premier Chang rencontré sur sa route, avant, si vous vous rappelez bien l’histoire, de le sodomiser dans les débris d’un avion-charter américain écrasé sur l’Himalaya alors qu’autour d’eux rôde encore le yeti assoiffé de sang et de Coca-Cola, always Coca-Cola.

Il est d’ailleurs temps de rétablir une importante vérité historique : tout comme la déontologie journalistique ou l’égalité des citoyens devant la loi, le Yeti n’est bel et bien qu’une légende. Et s’il existait, nul doute que ce serait plutôt lui qui aurait sodomisé la poule de luxe du capitaine Haddock Martins dans la carlingue de l’avion, imaginez un peu, 2000 ans sans même une petite Yetillette à se mettre sous la dent, ça ouvre l’appétit.

Ce qui nous renvoie à une tout autre question d’une importance capitale pour la survie de notre espèce et l’embellie cérébrale de l’humanité tout entière, mesdames et mesdemoiselles et messieurs, je vous le demande encore une fois en toute simplicité, Tintin est-il gay ?

De deux choses l’une. Ou bien Tintin est vraiment gay, et cela m’étonnerait tout de même un peu, ou alors Tintin n’est pas gay, et cela m’étonnerait tout de même beaucoup. Et infidèle avec ça, car rappelez-vous, lorsque Chang n’a pas pu honteusement se libérer pour cause d’accidents d’avions ou de fusillade sur la place Tian Anmen, on a aussi pu voir Tintin enfiler un petit guide péruvien derrière une cascade sacrée et se taper en prime un lama pas dalaï, histoire de faire son malin devant les copains.

Bien. Je vois que mes blagues douteuses de gay ou de pas gay commencent à ramer sérieusement, mais ne vous inquiétez pas pour moi, les bides, ça me canoë. Par contre, avec tout ça, je viens de me rendre compte que j’ai totalement oublié de vous parler du Népal. En même temps, le Petit Robert et le Petit Larousse sont déjà au lit, y’a école demain, et de toute façon, tout le monde se branle du Népal comme de sa première bédé.

C’est dommage, il y a tant de choses à en dire. Le Népal est le pays de la bonne cuisine par exemple, et le meilleur restaurant du monde s’y trouve d’ailleurs. Ca s’appelle L’Everestaurant, et l’on y mange très bien. Spécialités de moine tibétain en sauce et de yeti à la broche, ouvert le samedi et dimanche. Attention, ne sherpa après 23h.

Mais ce n’est pas le meilleur ! Savez-vous que tous les habitants du Népal sont tous moches comme des poux, alors qu’ils étaient tous de très beaux bébés selon des statistiques récentes, c’est donc pour cela qu’on les appelle des Népalais.

Et oui. Tout ça pour ça. Couic, couic, couic. Esprit, es-tu là ? Yeti ? Non, Né Pala.

La véritable histoire vraie de Vladimir Yachine (2)

Les allemands menaient une nouvelle attaque sur leur flanc gauche, et aux vues de leur détermination évidente, il ne voyait pas très bien comment ils pourraient en réchapper cette fois-ci. Même lui qui était d’un naturel plutôt chanceux avait dû épuiser tout son lot de miracles pour la journée. Jamais il ne lui avait semblé aussi difficile de rester en vie, et jamais il n’avait été autant persuadé qu’il ne s’en sortirait pas aussi indemne que les jours précédents, trompant la mort subite à maintes reprises avec une réussite insolente.

Une nouvelle balle déchira l’atmosphère pesante et siffla à ses oreilles, passant en vrombissant à quelques centimètres de sa tête. Il se recroquevilla instinctivement sur lui-même. Cette fois encore, ce n’était pas passé loin, et Vladimir Yachine ne put retenir un gémissement sonore. Pourquoi donc est-ce que cela était tombé sur lui ? Il n’avait rien demandé à personne, lui. Le jour où ils étaient venu le chercher, dans sa campagne riante et ensoleillée de Petrograd, il s’était débattu mollement, sans trop y croire, comme s’il suffisait de leur dire qu’il n’était pas vraiment l’homme de la situation pour qu’ils changent d’avis sur la question. On disait de lui qu’il était le meilleur dans son domaine, et sa réputation avait fait le tour du pays beaucoup plus rapidement qu’il ne l’aurait souhaité... de petite gloire locale, il s’était retrouvé propulsé héros de la nation en moins de temps qu’il n’en avait fallu aux hommes venus de Moscou pour l’embarquer avec eux à la capitale. Il s’était peut-être laissé griser au début, tout émoustillé par les jeunes filles en fleur qui criaient son nom sur son passage alors qu’il défilait dans les rues enneigées, vêtu de son costume tout neuf qui lui donnait décidément fière allure. Il le regrettait amèrement maintenant, alors qu’il s’apprêtait à regarder la mort dans les yeux après avoir survécu tant bien que mal pendant ces deux longues semaines de campagne jalonnés de succès étriqués et de semi victoires à l’arrachée. Ses oreilles bourdonnaient, sa blessure à la tempe ne faisait qu’empirer et le sang qui en coulait commençait à brouiller sa vue. Il chancela, manqua de s’évanouir et mit un genou à terre pour ne pas s’affaler. Il baissa la tête et ferma les yeux. Advienne que pourra. S’il devait mourir aujourd’hui, si on devait l’exécuter à bout portant, il préférait autant ne pas voir ça. Ainsi prostré, il attendit de longues secondes que ne vienne le coup fatal, mais rien ne se passa. Tout a coup, ce fut le silence autour de lui, un silence de mort, presque palpable. Un coup de sifflet déchira l’atmosphère et la clameur de la foule tout autour de lui le fit reprendre soudain pied avec la réalité. Il jeta prudemment un regard autour de lui et sourit faiblement. C’était fini. Il était sain et sauf.

Vladimir Yachine défit lentement la lanière de ses gants, cligna des yeux pour regarder le soleil qui disparaissait derrière la tribune présidentielle, et tenta de se frayer un chemin vers les vestiaires à travers les supporters déchaînés qui se pressaient autour du nouveau vainqueur de la Coupe du Monde de Football.

dimanche 14 juin 2009

Définition Impromptue : le lapsus

Les plus taquins d’entre vous auront tôt fait de remarquer que lapsus est un mot qui fait rire à ses dépens Il fait même partie de ces rares mots de notre belle langue française à pouvoir faire sourire jusqu’au président Nicolas Sarkozy de toutes ses dents blanches de carnassier. Je dis carnassier pour ne pas dire hyène, j’aurais pu dire lion ou puma mais ces marques sont déjà déposés. Et de toute façon, j’ai déjà explosé mon quota de procès en diffamations dans mes derniers articles journalistico-hypocrites dont le parfum de scandale délicieusement camouflé sous de vaniteux apparats me vaudrait bientôt, si l’on en croit la rumeur assassine, une place au sein de la rédaction de Gala, ce qui aurait le double mérite de renflouer mon compte en banque et de ravir ma chère et tendre génitrice qui pourrait crâner devant sa coiffeuse et sa cour de bourgeoises pouponnées sous leurs casques à friser les neurones.

Bien. Mis à part le fait que ce cher monsieur Sarkozy est affublé d’un sourire à faire passer son hoquet à un grizzly pétant avec conviction dans les montagnes sans déranger ses voisins, il faut bien admettre que le lapsus à de quoi faire zygomarrer le plus sérieux des papes, en tout cas beaucoup plus que les mots préservatif, capote, adolescent, pédophilie, prêtre, surtout dans la même phrase. Mais ne soyons pas acides, revenons au basique.

Le lapsus, du latin « lapsus » qui signifie à peu près la même chose à la différence près qu’il faisait beaucoup moins rire mon professeur de latin qui lui préférait de loin l’expression « In orbito couillus habea est » dont je serais bien incapable de vous donner ici une transcription exacte sans verser dans le vulgaire vaguement scatologique, le lapsus signifie l’emploi involontaire d’un mot à la place d’un autre. Du moins si l’on en croit le Petit Larousse qui nous est ici d’une aide précieuse alors que le Petit Robert attend toujours sa maman à l’entrée du magasin, alors je vous en prie, non mais.

J’ai entre les mains un exemple probant fourni avec la plus grande volonté du monde par une amie de mes connaissances déclarant, à propos d’un questionnaire sur la Presse, vouloir passer à la partie concernant les revues menstruelles, avant d’embrayer dans la joie et la bonne humeur sur cet ami à elle qui tomba latéralement amoureux d’une pétasse zoophile prêtant peu d’attentions à ces épanchements de crabe romantique.

Ces lapsus ont beau être de beaux lapsus, ils n’atteindront jamais la qualité et le potentiel comique d’un beau suspect. C’est grave, suspect, disait Coluche, si l’on y réfléchit, c’est même presque pire que lèche-cul.

La véritable histoire vraie de Vladimir Yachine (1)

Même en rassemblant toutes ses forces, Vladimir Yachine était bien incapable de se souvenir depuis combien de temps il se trouvait là, agenouillé dans l’herbe mouillée, le nez dans le gazon, le souffle court. Ca lui semblait une éternité, alors qu’il ne s’était écoulé sans doute que quelques secondes depuis le choc. Il aurait tant aimé que cela ne cesse jamais, et pourtant, il savait aussi qu’il lui faudrait bientôt se relever et repartir au combat, sans rechigner, comme un bon petit soldat qu’il était, fidèle à sa patrie et digne de la confiance de ses compagnons de galère.

Ils devaient pouvoir compter sur lui, comme lui pouvait compter sur eux à chaque instant pour lui sauver la mise s’il se retrouvait subitement en difficulté. Acculés comme ils l’étaient depuis maintenant une bonne heure, voilà qui risquaient d’arriver assez souvent dans les prochaines minutes, et Vladimir savait que ce n’était pas le moment de jouer les poltrons s’il voulait que ses collègues continuent à couvrir ses arrières. Les autres étaient partout, s’infiltraient entre leurs lignes avec une régularité déconcertante, plaçaient ça et là quelques mines meurtrières et se repliaient aussitôt pour mieux revenir de l’autre côté et les prendre à revers. Ils étaient totalement encerclés, pilonnés de toute part, totalement repliés sous le feu croisé de l’ennemi qui, pas à pas, resserrait son étreinte mortelle. Vladimir ne voyait pas vraiment comment ils pouvaient se sortir de ce piège infernal. Toute retraite était impossible, ils avaient déjà perdu trois hommes dans la bataille et ces sauvages Teutons qui déboulaient sur eux de toute part n’étaient pas exactement réputés pour leur clémence. Une goutte de sang perla de son front et tomba sur l’herbe où elle décrivit une jolie arabesque en forme de point d’interrogation, et Vladimir se rendit compte qu’il avait été touché. Il hésita une seconde a appeler les secours mais se ravisa aussitôt de peur d’attirer l’attention sur lui... tant qu’il restait planqué du mieux qu’il pouvait, il ne risquait pas grand chose de plus. Et puis les infirmiers avaient sans doute mieux à faire pour le moment. De là où il était, en mettant ses mains en parasoleil au-dessus de ses yeux, Vladimir Yachine pouvait les voir distinctement s’affairer en hurlant autour de son capitaine, dont la jambe brisée net décrivait un angle presque comique avec le reste de son corps affalé dans l’herbe. Il grimaça de douleur. S’il voulait éviter de connaître le même sort, il avait intérêt à être d’une extrême prudence et à surveiller ses arrières sans trop s’occuper des autres. Ils étaient bien gentils, avec leurs histoires de solidarité et de franche camaraderie, mais pour le coup, dans ce genre de situation, Vladimir croyait beaucoup moins aux vertus du collectif qu’à celles du sauve-qui-peut. Chacun pour sa gueule, et vive la Grande Russie. Mû par un instinct de survie élémentaire, le soldat Yachine se remit sur pied d’un bond et épousseta soigneusement sa belle tunique noire. Des cris sur sa gauche le firent sursauter, et il se retourna d’un bond.

(à suivre...)

dimanche 7 juin 2009

Définition Impromptue : le Suédois

Le Suédois est appelé Suédois pour ne pas qu’on le confonde avec le Finlandais, qui lui habite en Finlande. Si l’Anglais est flegmatique, le Suisse caustique et le faucon maltais, le Suédois est blond. C’est même à ça qu’on le reconnaît lorsqu’il n’a pas entre les mains une raquette de tennis, qui se dit d’ailleurs "Bjorn Borg" en suédois, alors que Yannick Noah signifie « baisse le son » en sénégalais, je le précise à l’intention des jeunes, des imbéciles et des esquimaux qui ne font jamais d’études supérieures poussées à cause de l’exiguïté de leur igloo biplace qu’ils s’évertuent pourtant à construire tout en rond depuis la nuit des temps sans se rendre compte de l’espace qu’ils y perdent.

Une erreur que n’aurait certainement pas commise un Suédois pur-sang, habitué qu’il est à caser des meubles Ikea dans tous les coins, même les plus ronds, avec la froideur capitaliste et le sens du réalisme qui caractérise cet ancien collaborateur nazi rôdé à l’art particulier de l’extermination ethnique sans bavure. Il paraîtrait même que Papon était fou de jalousie quand il a connu le score des Suédois.

Le Suédois le plus connu est d’ailleurs monsieur Ikea, alors que la Suédoise la plus connue est l’allumette, que l’on peut brûler activement sur la côte d’Azur en plein mois d’août au risque de faire cramer la moitié de la pinède provençale. Pratiquant paradoxalement plus souvent l’allumage d’incendie sur suédoise que la décoration d’appartement en Suédois, je me trouve finalement très mal placé pour vous parler de ce sujet.

Si l’on en croit le Petit Larousse, qui nous est ici d’une aide précieuse alors que le Petit Robert attend toujours sa maman à l’entrée du magasin, la Suède est un royaume scandinave de 450 000 km2 et de 9 millions d’habitants dont la capitale est Stockholm, qui signifie « décoration d’intérieur » en Suédois. Bien. Qu’est-ce que cela nous apprend ? Que la densité de population y est de seulement 20 habitants au kilomètre carré, soit 5 fois moins qu’en France mais 200 fois plus qu’au Groenland, où les esquimaux ont déjà assez de souci comme cela avec leurs igloos pour se préoccuper des statistiques. Mais cette faible densité de population est bien normale, après tout, la Suède est recouverte dans sa grande majorité par des forêts sombres où pètent avec conviction de grands grizzlis bruns sans déranger leurs voisins.

Encore aujourd’hui, on préférera pourtant retenir de la Suède qu’il est ce beau pays scandinave où batifolent dans les fjords d’insouciantes sirènes aux longues jambes qui s’émerveillent chaque jour du contact érotico-érectile de l’eau glacé sur leurs tétons pointés vers le ciel comme un défi à la mémoire des dieux vikings, par Thor, par Odin, par Hasard.

Ce qui vous étonnera plus, certainement, est d’apprendre que l’on ne dit pas « Suède », mais « Royaume de Suède », comme on ne dit pas « Monaco » mais « Principauté de Monaco », à ceci près que la Suède s’avère finalement beaucoup moins fournie en princesse ouragan suceuse de bites populaires et en prince pédé filant le parfait amour avec son bobsleigh.

La véritable histoire vraie d’Harry Lee Oswald (4)

Le contact de l’air frais sur son visage le réveilla immédiatement. Il ne s’était pas écoulé plus de quelques secondes depuis sa fausse chute dans le noir, il en était certain. Il rouvrit les yeux avec précaution et ses pupilles se dilatèrent subitement quand il vit où il se trouvait. Autour de lui s’étendait à perte de vue une jungle qui n’avait rien d’urbaine, un amas de verdure sauvage où le soleil peinait à faire pénétrer ses rayons malgré le coeur qu’il mettait à l’ouvrage. Harry Lee Oswald se remit sur pied en une seconde et dégaina son arme, aux aguets. Qu’est-ce qu’il foutait ici ?

Si c’était une blague, elle ne le faisait pas rire du tout, d’autant que ce n’était que la troisième fois que ça lui arrivait en peu de temps et qu’il se demandait vraiment à se demander ce qui clochait chez lui. Hallucinations à répétition ? Paranoïa subjective ? Médecin, psychologue, et il pouvait rajouter un bon neurologue à sa liste de courses pour la semaine prochaine, histoire de comprendre ce qui déconnait là-dessous. En attendant, il fallait qu’il sorte de ce fourbi, si possible en évitant de choper la malaria et une quinzaine de maladies tropicales en se faisant bouffer la main par un des innombrables singes à l’air passablement défoncé qui commençaient à s’attrouper autour de lui en poussant de petits cris perçants. Ils avaient les yeux totalement injectés de sang et le fixaient d’un étrange regard, comme s’ils ne voyaient en lui qu’un bout de viande fraîche tombée du ciel. Bordel, il était pourtant absolument certain que ces bestioles étaient végétariennes. Pour se rassurer, il leva son arme et en dégomma trois au hasard en tirant dans le tas. Dans une vie parfaite, ça aurait sans doute suffit à disperser cette vermine aux quatre coins de la jungle, mais Harry comprit vite que cela aurait un effet exactement inverse lorsqu’il vit un vieux mâle aux allures de gorille sous coke se frapper violemment la poitrine avant de charger en sa direction avec un hurlement lugubre. Sans réfléchir, Harry lâcha deux ou trois rafales en direction de ses agresseurs et prit la fuite à toutes enjambées, se taillant difficilement un chemin à travers les lianes qui encombraient le passage et semblaient absolument vouloir s’enrouler autour de ses jambes pour le faire chuter. Ses tempes battaient à tout rompre et ses oreilles bourdonnaient d’une étrange mélodie, comme si soudainement des sauvages dissimulés dans la jungle, tout autour de lui, s’étaient mis à jouer du tambour à l’unisson. Il était presque à bout de force lorsque tout à coup la verdure s’interrompit brusquement, et il du se jeter au sol pour ne pas perdre l’équilibre et chuter dans le précipice qui s’ouvrait devant lui. Il écarquilla les yeux. Le panorama était sublime, avec les hautes montagnes des Andes à sa gauche, la rivière tumultueuse qui gloussait joyeusement une centaine de mètres plus bas, et le Machu Picchu qui se dressait fièrement devant ses yeux, de l’autre côté du fossé. Entendant derrière lui les cris des singes qui se rapprochaient à grande vitesse, Harry tenta de se concentrer pour réfléchir à sa situation. Il fit rapidement l’inventaire de ses bagages tout en sachant qu’il n’y trouverait pas le seul truc qui lui aurait été utile à ce moment-là, un deltaplane. Ou une corde, à la limite, comme celle qu’il avait laissée accrochée, dans la panique, au 3ème étage du building. Il soupira. Ce n’était pas le moment de se lamenter. Il recula de quelques pas, pris une profonde inspiration et se rua vers le précipice, poussant plus fort sur ses jambes qu’il ne l’avait jamais fait pour tenter d’atteindre désespérément l’autre côté. Il lui sembla qu’il restait en l’air une éternité, comme si le temps avait suspendu sa course quelques secondes pour le regarder avec délectation se péter la gueule au fond du ravin. Il battit des bras avec l’énergie du désespoir décidant subitement que c’était bien trop con de crever ici après avoir fait tout ce chemin, et dans un dernier élan, parvient à accrocher une longue racine qui s’étalait paresseusement au soleil. Il souffla. Ce n’était pas passé loin, ce coup-ci.

Tandis que les grands singes se trémoussaient sur l’autre rive en l’insultant dans une langue étrange parsemée de sifflements et de grognements divers, il se hissa à la force du poignet et parvint à reprendre pied sans encombre sur la terre ferme. Quelle histoire à la con. Il n’en revenait toujours pas de se retrouver à crapahuter comme un débile profond au milieu de la jungle, il devait rêver, c’est cela, ce n’était qu’un rêve, et il allait se réveiller dans peu de temps. Il mettait seulement un peu plus de temps à se réveiller que d’habitude, un peu trop d’ailleurs pour que sa théorie du rêve reste crédible. Tant pis. Il épousseta à nouveau son pantalon, surpris de le voir encore intact et presque immaculé après toutes ces péripéties, et, redressant son sac sur ses épaules, il se dirigea vers le temple avec l’air décidé de celui qui sait exactement où il se trouve. Il n’en avait pas la moindre idée.

Après avoir gravi les 237 marches irrégulières qui menaient à l’entrée du temple, Harry Lee Oswald se sentit légèrement fatigué et prit le temps de souffler, les mains sur les hanches. Ce n’était pas ici qu’il allait trouver des barres chocolatées, a priori. Après quelques secondes, il se dirigea vers l’immense porte décorée de symboles semblables à ceux que l’on distinguait au dos de la carte postale et qui lui arrachèrent un sourire désabusé. Tu parles d’un indice à la con. Au moment où il passait sous la grande arche centrale, Harry fut soudain saisi d’un étrange sentiment de déjà-vu qui lui fit passer un frisson dans l’échine, comme si ce n’était pas la première fois qu’il pénétrait en ces lieux où pourtant l’Homme n’avait pas du mettre les pieds bien souvent depuis des centaines d’années. Il toucha du doigt la pierre recouverte de mousse, tentant de rattraper sans succès les bribes de souvenirs qui s’échappaient hors de sa portée à grande vitesse. Il avait déjà vu cet endroit, c’était certain, et cette petite cour intérieure bordée de statues silencieuses, et cette porte en bois grossière qu’il poussa craintivement du bout des doigts, tremblant de ce qu’il allait découvrir derrière. Une grande salle magnifiquement décorée, éclairée par d’énormes chandelles étrangement allumées par une main inconnue. Au fond, devant une immense tapisserie qui représentait très certainement une divinité inca dont il n’avait aucune idée du nom, était assis un homme, de haute stature, coiffé d’un casque qui semblait fait de plumes d’oiseaux tressées. Sans esquisser un seul geste inutile, l’homme releva la tête, dévoilant des yeux perçants qui semblaient capables de voir à travers lui, et lui fit signe de s’approcher en tendant la main vers lui. Harry Lee Oswald bouillonnait. Il commençait à en avoir ras-le-bol de leurs conneries, à tous ces guignols. D’abord les mecs aux chapeaux mous, et maintenant cet espèce de bouffon emperlousé qui le matait avec un air narquois depuis son trône. Il en avait vraiment marre de toutes ces simagrées, il en avait assez de ne rien comprendre, il ne pouvait plus supporter ces maux de têtes et ces sauts dans l’espace-temps. Ce con allait payer pour tous les autres. Dégainant son arme et oubliant toute prudence, Harry Lee Oswald se rua à travers la pièce en vidant son chargeur en direction du bonhomme, sans que celui-ci ne fasse un seul mouvement pour éviter les projectiles. Ce n’est que quand Harry marcha sur une dalle toute noire posée au milieu de la pièce qu’il se souvient subitement pourquoi il avait eu cette impression de déjà-vu en rentrant dans le temple. Il était déjà venu ici auparavant. Il s’était déjà rué à travers la pièce, il avait déjà marché sur la dalle noire, il avait déjà entendu ce petit déclic dont il n’appréciait guère la sonorité morbide, et il s’était déjà pris en pleine poire un des innombrables pieux qui venaient de jaillir des parois latérales et n’allaient pas tarder à le clouer au sol après l’avoir transformé en passoire. Et merde. Il ferma les yeux.

Game over. Push « Start » to play again.

lundi 1 juin 2009

Définition Impromptue : la masturbation

Le mot masturbation vient des mots latins « mas », le plaisir, et « turbo », la rapidité, ce qui explique que cette activité manuelle soit tellement prisée des spectateurs de Turbo qui se sont aperçus, après des années d’entraînement, qu’ils avaient tout juste le temps d’aller se branler sur la petite dernière de chez Renault pendant la pub avant de revenir et de zapper sur Téléfoot pour ne pas manquer les résultats de la Ligue 2.

Définissons maintenant le mot « masturbation ». Le Petit Robert étant en vacance en Belgique chez son tonton pédophile, nous demanderons plutôt de l’aide à son cousin Le Petit Larousse. Attention, en ouvrant votre dictionnaire, à ne pas vous tromper de définition et à ne pas confondre la masturbation avec la mastoïdite, qui est elle une inflammation de la muqueuse de la partie postérieure de l’os temporal mastoïdien, et si quelqu’un a compris ce que je viens de dire, il vient de gagner un abonnement d’un an à Auto-Moto.

La masturbation, nous dit le Petit Larousse, est l’acte de procurer du plaisir par des contacts manuels. A bon entendeur salut, mais si quelqu’un dans cette assistance s’est déjà senti capable de se procurer du plaisir sans se toucher, qu’il se fasse connaître immédiatement et je double son abonnement à Auto-Moto par un abonnement à Télékinésie Magazine.

Mais regardons plutôt ce qu’on en dit les grands hommes, ceux qui ont fait l’histoire et qui connaissent mieux que quiconque la force brute de la nature et d’une bouteille de Coca Cola, always Coca Cola, c’est la fin de notre page publicitaire.

Freud, qui inventa coup sur coup le moi, le surmoi et le c’est pas moi, pensait que la masturbation était dangereuse pour l’homme. Il en discutait un jour dans les jardins de Vienne avec son ami Friedrich et lui soutenait qu’à force de masturbation, on pouvait devenir aveugle.
« Vaux mieux entendre ça que d’être sourd », lui répondit Friedrich, qui n’avait pas la langue dans sa poche mais dans la bouche de sa cousine.
« Comment ? » lui dit Freud en mettant les mains en cornet autour de son oreille droite.
Qu’est ce que nous apprend cette anecdote légère, qui je vous le rappelle nous est offerte par Coca Cola, youpladi, youplada, always Coca Cola ?
Premièrement, qu’en été les jardins de Vienne sont d’une fraîcheur bienvenue et qu’il fait bon s’y promener à l’heure où le nazi est à la soupe. Deuxièmement, qu’à l’âge de 37 ans Freud était déjà un peu dur d’oreille, et troisièmement, que toutes ses théories sur le sexe, c’est quand même de la branlette.

Mais laissons Freud quelques instants, d’autres ont réfléchi sur le sujet. Ainsi, Woody Allen le disait fort bien avant moi, la masturbation, c’est faire l’amour avec quelqu’un que l’on aime beaucoup. Tu me permets, Woody, et j’espère qu’après ça tu ne l’auras pas mauvaise, Allen, de reprendre ta phrase à mon compte et d’y rajouter qu’en plus d’être le roi des cons, je viens de me découvrir une vocation de roi des égocentriques : à ce niveau-là, ce n’est plus de l’amour, c’est une véritable passion intestinale et frénétiquement romanesque que je vis avec moi-même. En effet, la masturbation est un sport, et comme pour tous les sports, le talent compte mais l’entraînement passe avant tout. D’ailleurs, je dois vous laisser, j’ai un Auto-Moto qui traîne depuis des semaines sur la table du salon.

Ah, non, j’oubliais. Sacha Guitry, ce grand homme, qui lui aussi n’avait pas oublié d’être con, avait eu l’extrême audace de rajouter cette ultime conclusion : en de rares occasions, nous devons bien admettre que parfois, la femme peut être un substitut convenable à la masturbation.

La véritable histoire vraie d’Harry Lee Oswald (3)

A peine avait-il fait quelques pas dans le corridor qu’il buta sur un obstacle dont il ne devinait qu’à grandes peines les contours dans la pénombre. Il l’enjamba en maugréant et poussa un petit cri en portant la main à sa cuisse lorsqu’il reposa le pied au sol. Il avait dû se faire mal avec sa petite acrobatie de tout à l’heure, c’était bien sa veine. Deux mètres plus loin, il contourna prudemment un autre obstacle dont il avait cette fois réussi à percevoir la présence avant de se le prendre dans le tibia.

Ca allait être gai, cette petite escapade, avec toutes ces cochonneries par terre. Pourquoi diable fallait-il que ce soit le bordel partout où il passait en ce moment ? Les gens ne pouvaient pas faire gaffe où ils rangeaient leurs affaires, un peu ? Il avait l’impression d’être un gamin de six ans qui se prenaient les pieds dans ses jouets étalés sur la moquette, à ceci près qu’il n’avait conservé strictement aucun souvenir de son enfance. Aussi loin qu’il s’en souvienne, il avait toujours été adulte, expert en maniement des armes et en une quinzaine de sortes de combats au corps à corps, capable de tuer un adversaire de soixante-trois façons différentes sans même se forcer. Comme si ça avait été toujours quelque chose d’extrêmement naturel pour lui, comme s’il avait toujours été destiné à ça, comme s’il n’avait toujours été et ne serait toujours qu’un tueur né. Et aussi longtemps qu’il s’en souvienne, sa vie avait toujours ressemblé à un gigantesque champ de bataille parsemée d’embûches, un long corridor sombre bourré de cartons à la con et de bureaux renversés dans le passage. Bordel, il devait bien y avoir des pièces pour ranger ses bureaux, quel besoin avaient donc les gens de les foutre au milieu du passage pour emmerder les honnêtes gens ? Harry Lee Oswald du même se frayer un passage à coup d’épaules lorsque les détritus s’amoncelèrent devant lui en une énorme montagne qui semblait infranchissable mais dont il vint finalement assez facilement à bout. Il allait tourner dans le couloir de droite quand des bruits de cavalcade le firent brusquement retourner sur ses pas et se glisser dans le coin de la pièce, protégé par une grosse caisse en bois où la mention « danger - explosif » n’avait pas l’air d’avoir été placée là pour rassurer d’éventuels intrus. Il dégaina son arme en silence et se mit en position de tir, le bras gauche soutenant le droit pour rester stable, le coin du couloir dans la ligne de mire. Lorsqu’il vit le bout d’un chapeau mou dépasser de l’angle, il tira deux coups sans hésiter, serrant les dents pour épouser le recul de son arme. L’homme s’effondra sur les genoux et s’affala au milieu du couloir, un sourire léger flottant sur les lèvres. Presque immédiatement, un deuxième homme se précipita à sa suite et se pencha sur son collègue étendu, esquissant à peine un geste dépité lorsqu’il entendit l’arme d’Oswald cracher deux nouvelles pépites à son intention. Il tomba à côté de son comparse, la main tendrement posée sur son épaule dans un dernier geste fraternel. Qu’est-ce qu’ils pouvaient être cons, ces guignols, à se ruer sans réfléchir dans une pièce dont venait de partir un coup de feu. Harry Lee Oswald fléchit légèrement sur ses jambes et se dirigea vers l’ouverture en prenant soin de bien rester accroupi, le pistolet à hauteur d’épaule. Il appuya son dos contre le mur, fit dépasser le canon de son arme par la porte entrouverte, corrigea son angle de tir d’une vingtaine de degrés vers la gauche et tira trois fois à l’aveugle en balayant l’espace d’un petit mouvement du poignet. Avec un râle, le troisième larron chuta lourdement au milieu du passage, laissa échapper un dernier gargouillis et rendit l’âme avec le même sourire bienheureux sur le visage que ses deux camarades. Flippant. Extrêmement prévisibles, et très flippant. Ca allait donc toujours par trois et ça se faisait prendre à des ruses de scout qu’un gamin de huit ans aurait évité sans problème. Quelque chose ne tournait pas rond chez eux. Harry Lee Oswald n’arrivait pas à déterminer si tout cela faisait partie du piège infernal qui était en train de se refermer sur lui, ou s’ils étaient tout simplement tous complètement stupides. Il haussa les épaules, se remit sur ses pieds et épousseta son pantalon côtelé avant de franchir la porte.

Harry Lee Oswald enjamba prestement le cadavre du dernier homme qu’il avait abattu et récupéra la barre de chocolat énergétique à moitié mâchée qu’il tenait encore serré entre ses doigts. Il se sentit mieux immédiatement après avoir croqué dedans, à croire qu’il était en train de s’offrir une petite crise d’hypoglycémie pour couronner le tout. Ragaillardi par sa découverte, il s’ébroua, chassa la clochette dans son cerveau en secouant brutalement la tête, et poursuivit sa route d’un pas assuré. Devant lui s’ouvrait un nouveau couloir, complètement dégagé celui-ci, et faiblement éclairé par une petite ampoule rouge sur le mur. Sous la lampe, une sorte de plan punaisé au mur dont il se saisit avec méfiance, passablement fatigué d’accumuler les indices sans queue ni tête depuis deux bonnes heures qu’il était dans ce bâtiment. On aurait dit une sorte de labyrinthe où un chemin fléché en vert fluo permettait de retrouver la sortie. Harry haussa de nouveaux les épaules, fourra le papier dans son sac et se dirigea vers l’unique porte qui s’ouvrait au bout du couloir. La poignée ne résista pas une seule seconde. Harry poussa la porte, s’engagea dans l’ouverture, et puis, plus rien. Ce fut le trou noir. Il lui sembla qu’il tombait au ralenti dans un gouffre sans fond, comme s’il s’enfonçait dans une mer d’encre, et il ferma les yeux en soupirant. Ca recommençait, comme la dernière fois, et comme la fois d’avant. Quelle vie de merde.

(à suivre...)