lundi 1 juin 2009

La véritable histoire vraie d’Harry Lee Oswald (3)

A peine avait-il fait quelques pas dans le corridor qu’il buta sur un obstacle dont il ne devinait qu’à grandes peines les contours dans la pénombre. Il l’enjamba en maugréant et poussa un petit cri en portant la main à sa cuisse lorsqu’il reposa le pied au sol. Il avait dû se faire mal avec sa petite acrobatie de tout à l’heure, c’était bien sa veine. Deux mètres plus loin, il contourna prudemment un autre obstacle dont il avait cette fois réussi à percevoir la présence avant de se le prendre dans le tibia.

Ca allait être gai, cette petite escapade, avec toutes ces cochonneries par terre. Pourquoi diable fallait-il que ce soit le bordel partout où il passait en ce moment ? Les gens ne pouvaient pas faire gaffe où ils rangeaient leurs affaires, un peu ? Il avait l’impression d’être un gamin de six ans qui se prenaient les pieds dans ses jouets étalés sur la moquette, à ceci près qu’il n’avait conservé strictement aucun souvenir de son enfance. Aussi loin qu’il s’en souvienne, il avait toujours été adulte, expert en maniement des armes et en une quinzaine de sortes de combats au corps à corps, capable de tuer un adversaire de soixante-trois façons différentes sans même se forcer. Comme si ça avait été toujours quelque chose d’extrêmement naturel pour lui, comme s’il avait toujours été destiné à ça, comme s’il n’avait toujours été et ne serait toujours qu’un tueur né. Et aussi longtemps qu’il s’en souvienne, sa vie avait toujours ressemblé à un gigantesque champ de bataille parsemée d’embûches, un long corridor sombre bourré de cartons à la con et de bureaux renversés dans le passage. Bordel, il devait bien y avoir des pièces pour ranger ses bureaux, quel besoin avaient donc les gens de les foutre au milieu du passage pour emmerder les honnêtes gens ? Harry Lee Oswald du même se frayer un passage à coup d’épaules lorsque les détritus s’amoncelèrent devant lui en une énorme montagne qui semblait infranchissable mais dont il vint finalement assez facilement à bout. Il allait tourner dans le couloir de droite quand des bruits de cavalcade le firent brusquement retourner sur ses pas et se glisser dans le coin de la pièce, protégé par une grosse caisse en bois où la mention « danger - explosif » n’avait pas l’air d’avoir été placée là pour rassurer d’éventuels intrus. Il dégaina son arme en silence et se mit en position de tir, le bras gauche soutenant le droit pour rester stable, le coin du couloir dans la ligne de mire. Lorsqu’il vit le bout d’un chapeau mou dépasser de l’angle, il tira deux coups sans hésiter, serrant les dents pour épouser le recul de son arme. L’homme s’effondra sur les genoux et s’affala au milieu du couloir, un sourire léger flottant sur les lèvres. Presque immédiatement, un deuxième homme se précipita à sa suite et se pencha sur son collègue étendu, esquissant à peine un geste dépité lorsqu’il entendit l’arme d’Oswald cracher deux nouvelles pépites à son intention. Il tomba à côté de son comparse, la main tendrement posée sur son épaule dans un dernier geste fraternel. Qu’est-ce qu’ils pouvaient être cons, ces guignols, à se ruer sans réfléchir dans une pièce dont venait de partir un coup de feu. Harry Lee Oswald fléchit légèrement sur ses jambes et se dirigea vers l’ouverture en prenant soin de bien rester accroupi, le pistolet à hauteur d’épaule. Il appuya son dos contre le mur, fit dépasser le canon de son arme par la porte entrouverte, corrigea son angle de tir d’une vingtaine de degrés vers la gauche et tira trois fois à l’aveugle en balayant l’espace d’un petit mouvement du poignet. Avec un râle, le troisième larron chuta lourdement au milieu du passage, laissa échapper un dernier gargouillis et rendit l’âme avec le même sourire bienheureux sur le visage que ses deux camarades. Flippant. Extrêmement prévisibles, et très flippant. Ca allait donc toujours par trois et ça se faisait prendre à des ruses de scout qu’un gamin de huit ans aurait évité sans problème. Quelque chose ne tournait pas rond chez eux. Harry Lee Oswald n’arrivait pas à déterminer si tout cela faisait partie du piège infernal qui était en train de se refermer sur lui, ou s’ils étaient tout simplement tous complètement stupides. Il haussa les épaules, se remit sur ses pieds et épousseta son pantalon côtelé avant de franchir la porte.

Harry Lee Oswald enjamba prestement le cadavre du dernier homme qu’il avait abattu et récupéra la barre de chocolat énergétique à moitié mâchée qu’il tenait encore serré entre ses doigts. Il se sentit mieux immédiatement après avoir croqué dedans, à croire qu’il était en train de s’offrir une petite crise d’hypoglycémie pour couronner le tout. Ragaillardi par sa découverte, il s’ébroua, chassa la clochette dans son cerveau en secouant brutalement la tête, et poursuivit sa route d’un pas assuré. Devant lui s’ouvrait un nouveau couloir, complètement dégagé celui-ci, et faiblement éclairé par une petite ampoule rouge sur le mur. Sous la lampe, une sorte de plan punaisé au mur dont il se saisit avec méfiance, passablement fatigué d’accumuler les indices sans queue ni tête depuis deux bonnes heures qu’il était dans ce bâtiment. On aurait dit une sorte de labyrinthe où un chemin fléché en vert fluo permettait de retrouver la sortie. Harry haussa de nouveaux les épaules, fourra le papier dans son sac et se dirigea vers l’unique porte qui s’ouvrait au bout du couloir. La poignée ne résista pas une seule seconde. Harry poussa la porte, s’engagea dans l’ouverture, et puis, plus rien. Ce fut le trou noir. Il lui sembla qu’il tombait au ralenti dans un gouffre sans fond, comme s’il s’enfonçait dans une mer d’encre, et il ferma les yeux en soupirant. Ca recommençait, comme la dernière fois, et comme la fois d’avant. Quelle vie de merde.

(à suivre...)

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