samedi 27 juin 2009

La véritable histoire vraie d'Archibald Houdini (1)

Au moment précis où Archibald Houdini allait enfoncer son membre vibrant entre les seins laiteux de la créature agenouillée devant lui, il fut brutalement interrompu par le hululement sinistre de la sirène qui annonçait le début du couvre-feu et la fin de sa rêverie en solitaire. Son fantasme s’estompa progressivement au fur et à mesure que s’éteignaient un par un les néons blanchâtres qui éclairaient faiblement les couloirs décrépis de la Maison de Sûreté de Gradignan.

Par habitude, comme pour conjurer le mauvais sort,, Archibald Houdini fixa scrupuleusement la tâche noircie en forme de continent africain qui ornait le mur face à lui, s’interdisant de cligner des yeux, tant que sa Côte d’Ivoire natale n’aurait pas été engloutie totalement dans l’obscurité générale. Ça y est, le noir avait envahi la pièce, et le négro avait envahi ses pensées. À la seconde même où il était né, un observateur peu attentif aurait pu deviner sans trop de mal qu’il n’était pas bien parti dans la vie. C’est en tout cas ce que lui avait asséné l’épicier du coin, un vieux poujadiste sans humour et sans avenir pour qui la négritude du petit Houdini était un élément largement suffisant pour déclarer péremptoirement qu’il n’irait jamais plus loin que les portes du pénitencier que chantait son idole dans les haut-parleurs moisis de son magasin en ruine. Sans compter ce prénom ridicule dont l’avaient affublé ses parents, pensant très certainement que la légère connotation aristocratique d’Archibald pourrait suffire à corriger le tir, éventuellement. Mais lui savait, au fond de lui, que c’était peine perdue, et que l’épicier de la rue Daudel n’était certainement pas tombé bien loin dans ses prédictions avinées. Bien sûr, il avait fallu qu’il donne un petit coup de pouce au destin à un moment donné, qu’il se fasse violence pour suivre la voix royale vers la déchéance qui s’ouvrait gracieusement devant ses yeux myopes et son coeur faiblard. Méticuleusement, il avait exécuté une par une toutes les conneries nécessaires pour être bien certain de ne pas manquer son rendez-vous avec la médiocrité. Ca n’avait pas été bien difficile de basculer rapidement du mauvais côté de la barrière, de se laisser subitement entraîner par la bande de glandeurs patentés qui avaient été programmés pour ruiner patiemment tout espoir de faire un jour quelque chose de bien de sa vie, des études qui l’auraient accidentellement mené à un travail de bureau confortable et bien payé, une femme aimante et fière de lui, des enfants soignés et bien élevés qui gambaderaient joyeusement dans leur belle maisonnette de banlieue, loin de ces H.L.M grisâtres où il avait passé son enfance, loin de cette prison noire comme l’enfer où il risquait fort de passer une bonne partie de son existence. Avec le recul, il avait quand même bien réussi son coup, bien merdé quand il le fallait. Il n’était pourtant pas plus con qu’un autre, même si avec le temps, il s’était rendu compte assez rapidement qu’il serait toujours trop limité pour prétendre à quoi que ce soit d’autre. Il s’était enfoncé peu à peu dans les bas-fonds, sans vraiment lutter, résigné. Et puis, un instant, au moment où il ne voyait plus trop d’issues possibles, un chemin s’était ouvert juste devant ses yeux, une voie tortueuse et nauséabonde qui pouvait bien s’avérer être la seule qu’il ne soit jamais capable de suivre. C’est ce qu’il avait fait, sans trop y réfléchir, en évitant d’y réfléchir même, se vautrant avec délices dans l’apparente facilité de la dégringolade à laquelle il se préparait avec de plus en plus de bonhomie. Avec le recul, Archibald Houdini pouvait être certain d’une chose : ce n’était pas un hasard s’il avait emprunté par mégarde ce chemin, et celui-ci était aussi boueux et nauséabond que pouvait l’être une voie de garage.

(à suivre...)

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