dimanche 19 juillet 2009

La véritable histoire vraie de Freddy Siroco (1)

Avec des mouvements d’une infinie lenteur, Frédéric Sirocovitch, que tout le monde appelait Freddy Siroco depuis aussi longtemps qu’il s’en souvienne, bien avant la Grande Epuration, bien avant qu’il ne devienne célèbre, avec ces mouvements d’une infinie délicatesse dont toutes les femmes du pays lui enviaient la grâce et l’élégance innée, Frédéric Sirocovitch s’agenouilla aux pieds de sa maîtresse et coula doucement sa tête sur ses genoux jusqu’à ce que le sommet légèrement dégarni de son crâne d’une absolue perfection vienne effleurer sans bruit la main diaphane que ce contact fit tressaillir.

Sans cesser de fixer droit devant elle un point invisible qui devait approximativement se situer entre une tenture du XXIIe siècle et une large fenêtre entrouverte sur un paysage champêtre riant et ensoleillé, Tacata Bash vint poser en douceur trois doigts agiles sur les tempes vibrantes de l’homme abandonné béatement à ses pieds. Distraitement, elle caressa quelques instants les restes de ce qui furent autrefois, en des temps reculés dont la simple évocation faisait passer des frissons d’effroi dans l’échine de toutes les jeunes filles du royaume, une chevelure soyeuse et flamboyante qui faisait courir une lueur de gourmandise dans la prunelle des yeux écarquillés de chaque femme qui se retournait sur son passage pour admirer ensuite son fessier délicieusement musclé en passant rapidement leurs langues avides sur leurs lèvres trop longtemps privées d’un tel festin charnel. Il était plutôt de petite taille, mais magnifiquement proportionné, le buste droit et volontaire, les bras courts et suffisamment noueux pour entourer sauvagement les épaules fragiles de ses compagnes en usant de cet infime mélange de fermeté et de douceur avec lequel la plus enivrante et la plus chaude des couvertures polaires ne pourrait jamais rivaliser, les jambes suffisamment puissantes et musclées pour donner l’impression qu’elles pourraient parcourir le monde sans relâche tant qu’elles n’auraient pas trouvée sur leurs routes la paire de jambes avec laquelle elles pourraient continuer leur chemin, avec laquelle elles pourraient s’entremêler à l’ombre rafraîchissante d’un arbre centenaire aux ramures apaisantes. Tacata Bash laissa errer quelques instants son esprit au milieu des champs de blé qui s’étendaient devant elle à perte de vue, lui fit rapidement parcourir la côte sauvage et escarpée où venaient s’écraser dans une mélopée fracassante les vagues mugissantes de la Grande Mer dont les embruns délicats venaient agréablement chatouiller ses narines princières, lui fit se glisser à nouveau dans le château par une porte dérobée , gravir quatre à quatre les escaliers en colimaçons pour revenir se poser avec souplesse sur les tempes grisonnantes de son amant. Malgré les ravages du temps, Freddy Siroco avait conservé un visage d’une éclatante beauté, garni d’une fine barbe blonde, rehaussé de deux pommettes saillantes que surmontait une paire d’yeux pétillants, d’une troublante profondeur. Freddy Siroco était beau, Freddy Siroco était drôle, intelligent, attentionné, Freddy Siroco était son homme, et surtout, Freddy Siroco était le dernier homme vivant à la surface de la planète.

(à suivre...)

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