dimanche 26 juillet 2009

La véritable histoire vraie de Freddy Siroco (2)

D’un geste autoritaire de la main droite, Tacata Bash congédia brusquement la servante qui ne cessait de traîner bruyamment des pieds dans son dos, et fusilla du regard la capitaine de la garde qui se présentait, copieusement essoufflée, dans l’encadrement de la porte. Sans discuter, elle opina du chef, lui adressa une sorte de bref salut militaire en portant la main à son sein droit, et tourna les talons immédiatement en refermant sur elle avec un grincement déchirant la lourde porte boisée.

Lorsqu’elle entendit le cliquetis du pêne dans la serrure, Tacata Bash se détendit soudainement, soupira, entrouvit légèrement les cuisses pour laisser entrevoir quelques centimètres carrés de peau dont se dégageait une douce odeur de jasmin, et d’une petite flatterie sur la nuque de son compagnon, l’invita à plonger la tête toute entière dans l’échancrure. C’était là encore un de ses rares privilèges royaux, et elle n’était pas prêt de l’abandonner à ses courtisanes, quand bien même elles passaient leurs journées à se languir en glissant à son amant des regards entendus, emplis d’une sauvage concupiscence.Tacata pouvait sentir dans son dos leurs yeux brûlants de cette étrange fièvre, lui transperçant l’omoplate d’une jalousie qu’elles ne cherchaient même plus à contenir, dévorant sur place l’Homme, son homme, avec une voracité sans pareil.Elles pouvaient toujours courir, jamais leurs mains besogneuses d’ouvrières mal dégrossies ne viendront parcourir les lignes parfaites du torse de Frédéric Sirocovitch. Elles n’en auraient jamais l’occasion, et surtout, elles n’en auraient jamais le droit. Dans les heures sombres qui avaient suivi la nuit torride de la Grande Epuration, les Sœurs Constituantes s’étaient juré de ne plus jamais faire commerce de leur charme et de proscrire totalement le plaisir charnel avec tout membre de la caste inférieure. L’immense majorité d’entre eux avaient péris dès les premiers temps de la révolution, et les quelques rescapés qui avaient réussi à s’enfuir dans les montagnes de Gaïa n’avaient eu une espérance de vie que très limitée, mais elles avaient tout de même tenu à faire graver leur serment dans la pierre noble qui ornait la salle du trône, juste au-dessus de la tête de Tacata. A l’époque, elle n’était encore qu’une enfant, une toute jeune pousse de treize printemps que l’on promettait déjà à un grand avenir et à qui l’on avait offert pour son quatorzième anniversaire l’un des derniers représentants de la race maudite, en guise d’animal de compagnie.

Dans les premiers temps, c’est bien ainsi qu’elle le traita. Rien ne l’amusait plus que de lui arracher à pleine main des touffes de cheveux entières, et de fouetter ses mollets vigoureux avec une brassée de joncs jusqu’à ce qu’il saigne abondamment, s’amusant de le voir lécher ses blessures dans un coin de la pièce, s’esclaffant de rire à chaque fois qu’il tentait de détaller sur quelques mètres avant que la lourde chaîne qu’il portait autour du cou ne le rejette violemment en arrière comme un fétu de paille. Et puis, elle s’était lassé de ses jeux d’enfants, le voir courir après une balle ne l’amusait plus autant, et la cruautés des premiers jours fit place peu à peu à des émois intestinaux dont elle avait mis bien du temps à comprendre l’origine. C’était comme si elle ne pouvait s’empêcher de faire courir ses doigts sur la peau bronzée de l’Homme, comme si elle se blottissait malgré elle entre ses bras musclés pour y chercher un peu de chaleur et de douceur pour contrer la brutalité de son éducation quotidienne, faite de haine et d’autorité. Elle savait bien pourtant qu’il était le mal incarné, l’ennemi intime contre qui s’était battu avec tant de férocité sa mère et ses tantes pour que elle, Tacata Bash, puisse jouir d’une vie plus correcte et radicalement différente de celles que ses ancêtres avaient vécues. Mais quel mal pouvait-il y avoir à laisser Freddy fouiller son intimité de ses doigts habiles et fourrer sa langue à un endroit auquel elle-même n’avaient pas accès. Après tout, toutes les femmes du royaume le faisaient, qu’est-ce que cela changeait que son amante soit un homme ? Et puis elle était reine, non ? Elle n’allait pas se laisser dicter sa conduite par une bande de dégénérées rendues aigries par des années de combat dans l’ombre. Simplement, il fallait qu’elle fasse attention, à camoufler tant bien que mal son attirance aux yeux de tous, même si le château tout entier pouvait l’entendre pousser des râles de plaisir à une heure avancée de la nuit. Le grand conseil fermait les yeux pour l’instant, comme tous ici, mais à la moindre crise majeure, elle savait qu’elles n’hésiteraient pas à se servir de ça pour se débarrasser d’elle définitivement. Il fallait simplement qu’elle reste sur ses gardes, se dit-elle en se mordant la lèvre inférieure pour retenir le gémissement plaintif qui montait soudainement de sa gorge alors que Frédéric Sirocovitch parachevait son oeuvre en saisissant ses hanches à deux mains tout en accentuant la pression de sa bouche sur son clitoris.

(à suivre...)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire