dimanche 19 avril 2009

La véritable histoire vraie de James Bean (2)

En attendant, James Bean ruminait. Il savait qu’il ne lui restait pas tant de chemin à parcourir pour connaître la gloire suprême, une petite marche à gravir pour atteindre le nirvana… il revenait de trois semaines de tournage sur-médiatisé dans le Grand Canyon, et ça lui manquait de se retrouver de nouveau entre les mains de la maquilleuse et sous les feux des projecteurs, de crever enfin l’écran comme prévu, de monter enfin au firmament, nouvelle étoile montante au milieu d’une constellation de stars.

Mais il savait aussi qu’il fallait faire vite, on lui avait prédit un destin brisé, un avenir d’étoile filante qui s’éteindrait aussi vite qu’elle était apparue, après avoir brillée un court instant : James Bean n’en avait cure, l’important n’était pas la durée mais la fulgurance de son envol. Alors, même s’il tenait le premier rôle dans cette superproduction du Grand Canyon, il lui en fallait plus, toujours plus haut. Il ne voulait plus jamais être obligé de partager l’affiche avec une armée de jeunes premiers boutonneux et fades, il valait mieux qu’eux, il avait pour lui sa rage de convaincre, sa « fureur de vivre » comme aimait à le rappeler sa mère avec un petit sourire qui trahissait sa fierté de voir le fruit de ses entrailles grandir à une telle vitesse. Elle n’avait tout de même pas épousé pour rien un contremaître maigrichon et sans saveur, il lui avait tout de même donné un fils unique, un cadeau du ciel qu’elle avait patiemment élevé sans cesser de penser au destin royal qui attendait son petit, depuis ce jour où elle avait eu une révélation en lui mouchant son petit nez d’avorton sur la scène de remise des prix du plus beau bébé de la ville. Il avait pris quelques centimètres depuis, c’est sûr, mais n’avait pas perdu de sa beauté laiteuse, de ses airs de petit Adonis que les cicatrices du temps commençaient déjà à joliment marquer, d’accidents de balançoire et chute acrobatique depuis la dernière branche du troène qui trônait au milieu de la cour familiale. Mais sa lèvre légèrement fendue lui donnait ce petit air coquin que les femmes adoraient, comme elles aimaient passer leurs mains fines sur son crâne cabossé et sur cette cicatrice qui lui barrait la tempe. Après tout, ça faisait partie de son image de marque, à peu près autant que ses attitudes de perpétuel adolescent en révolte. James Bean avait une sacré personnalité, James Bean était tout ça à la fois, James Bean était beau, James Bean était une énigme, James Bean était sûr de lui, James Bean adorait la vitesse et jouer au casse-cou dans les virages.

Personne ne fut vraiment surpris, pas même sa mère, lorsque le petit tricycle noir de James Bean fit une embardée terrible en bas de la rue principale et s’encastra avec violence dans le portail de l’école primaire où il était scolarisé. En signe de deuil, le maire décida de conserver intacts sur tous les murs de la ville ces grandes affiches publicitaires où un gamin de 8 ans brandissait fièrement un pot de yaourt au beau milieu du Grand Canyon.

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